• Une pure merveille! Bien filmé, bien joué, des acteurs au sommet de leur art! Comment ne pas être touché par la vie de cet homme exceptionnel!  Et en plus, un beau message que la vie de cet homme ordinaire qui fit des choses extraordinaires alors qu'il était juste comme vous et moi.

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    Prague, 1938. Alors que la ville est sur le point de tomber aux mains des nazis, un banquier londonien va tout mettre en œuvre pour sauver des centaines d’enfants promis à une mort certaine dans les camps de concentration. Au péril de sa vie, Nicholas Winton va organiser des convois vers l’Angleterre, où 669 enfants juifs trouveront refuge.

    Cette histoire vraie, restée méconnue pendant des décennies, est dévoilée au monde entier lorsqu’en 1988, une émission britannique invite Nicholas à témoigner. Celui-ci ne se doute pas que dans le public se trouvent les enfants – désormais adultes – qui ont survécu grâce à lui...

     


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  • J'adore Denys Arcand qui a le talent rare de saisir les travers de notre société et de nous faire rire avec. Comme toujours, ce film est plein d'humour et les acteurs sont formidables!!

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    Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de 70 ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie... et celle des autres.


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  • Une pure merveille que je vous recommande chaudement.

    Stella, une vie allemande

    Stella, grandit à Berlin sous le régime nazi. Elle rêve d'une carrière de chanteuse de jazz, malgré toutes les mesures répressives. Finalement contrainte de se cacher avec ses parents en 1944, sa vie se transforme en une tragédie coupable.

    Inspiré de la véritable histoire de Stella Goldschlag.

    « Vous n’êtes pas responsables du passé mais vous devez faire en sorte que cela ne se reproduise pas. » Max Mannheimer, survivant du camp de Dachau.

    Stella, jeune femme blonde aux magnifiques yeux bleus, pleine d’assurance et de vie, est en plein essayage d’une robe de soirée. Une certaine faiblesse s’empare cependant d’elle au fur et à mesure qu’elle se scrute dans le miroir apès avoir coloré ses lèvres en rouge. S’ensuit le générique, les lettres pailletées, comme la robe, apparaissent à l’écran et l’on se demande bien où on va mettre les pieds pendant les deux prochaines heures.

    Nous sommes en août 1940 à Berlin. En pleine répétition d’un groupe de jeunes musiciens de jazz emportés par leur musique. Groupe de jeunes gens, on le comprend assez vite, composé uniquement de Juifs. Et à cette période-là, être juif en Allemagne, pas besoin de vous faire un dessin. Maispour Stella, le plus important reste le chant, la musique et son talent, qu’importent les discussions inquiètes de ses parents lors des repas, de savoir s’il faut quitter le pays ou non. Stella veut juste emprunter une robe à sa mère pour le concert qui doit avoir lieu dans quelques soirs. La jeune femme semble si détachée de ce qu’elle entend autour d’elle, au sujet des arrestations arbitraires, des emprisonnements brutaux, des condamnations injustifiées… Elle semble si lointaine de la réalité du nazisme qui assoit son pouvoir de manière drastique depuis 1933, le nazisme qui a édicté les lois pour bannir les Juifs des postes à responsabilité, le nazisme responsable de la tristement fameuse Nuit de Cristal en 1938.
    Mais voilà, envolées les paillettes, le rouleau compresseur détruit tout sur son passage et nous retrouvons Stella en février 1943 dans un triste atelier, étoile jaune cousue sur ses vêtements, à manufacturer des pièces à la chaîne. Privations, fatigue extrême, rumeurs sur des camps dans lesquels on entasserait des Juifs que l’on finirait par exterminer, Stella et ses parents doivent tenir. Ne pas flancher, essayer de se sauver, de se cacher, de ne pas être embarqués dans ces terribles fourgons remplis par les agents de la Gestapo. Suite à une arrestation, Stella va décider de survivre, coûte que coûte, pour ne pas finir à Auschwitz, destination qui remplit alors d’effroi tout un chacun. C’est donc ainsi, de septembre 1943 jusqu’à la fin de la guerre, que Stella devient le « poison blond » en traquant et dénonçant son propre peuple dans les rues de Berlin.
    Rude, l’histoire de Stella Goldschlag l’est comme celle de nombreux Juifs qui, pour survivre durant cette période trouble, ont choisi (mais avaient-ils vraiment le choix ? Là se concentre toute la question) de dénoncer des centaines des leurs avec, pour fragile contrepartie promise par la Gestapo, l’espérance de s’en sortir et de vivre un semblant de vie dans cette Allemagne du Troisième Reich. Douillettement installés dans nos fauteuils, nous sommes partagés par ce personnage trouble pour qui nous ressentons de l’empathie puis une profonde aversion dès la scène suivante. On ne peut s’empêcher de se demander ce que nous aurions bien pu faire à sa place, à leur place, dans ce contexte particulièrement glaçant. Des certitudes sont ébranlées et l’on se rend compte qu’il ne nous appartient pas de juger mais bien de « faire en sorte que cela ne se reproduise pas ».

    Stella Goldschlag fut ainsi à la fois victime et coupable. Au-delà de la question de la responsabilité, elle incarne, dans l’Histoire, une partie d’un peuple devenu criminel pour espérer avoir un avenir.

     


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  •  j'ai adoré ce film qui est parfait à tous les niveaux: une image magnifique, des décors somptueux, un scénario réussi, des acteurs au sommet de leur art etc... Et Benguigui en grand-mère est un délice de chaque instant.

    Le petit blond de la casbah

     

    Un réalisateur de cinéma revient avec son fils à Alger pour présenter son nouveau film qui raconte l’histoire de son enfance et de sa famille dans l’Algérie des années 60. Le cinéaste se promène dans sa ville natale et, à travers les souvenirs d’un petit garçon pas tout à fait comme les autres, il nous fait revivre les moments de bonheur, de rires et de larmes de son enfance algéroise. C’est tout un univers touchant et une galerie de portraits hauts en couleurs que le film ressuscite.


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  • Une pure merveille. Je ne sais pas comment vous expliquer mais tout est génial dans ce petit film sans prétention.

    Le théorème de Marguerite

    L'avenir de Marguerite, brillante élève en Mathématiques à l'ENS, semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

    Mettre de l’ordre dans l’infini, c’est l’obsession qui hante Marguerite depuis son enfance. La voici aujourd’hui brillante chercheuse à l’École Normale Supérieure, totalement absorbée par sa thèse sur la conjecture de Goldbach, l’un des plus anciens problèmes non résolus des mathématiques. Interviewée par une journaliste, son discours passionné laisse percevoir à quel point Marguerite, incarnée avec justesse par Ella Rumpf, semble avoir trouvé la foi dans ce champ scientifique. Gauche et malhabile dans ses chaussons, les épaules rentrées, presque terne, elle apparaît d’emblée en décalage avec le reste du monde, évoquant une jeune novice au couvent… Par contre, en posture de démonstration mathématique, elle irradie, elle raisonne avec élégance et effervescence, suscitant l’admiration de ses collègues et de son directeur de thèse, interprété par un inhabituel et ambigu Jean-Pierre Darroussin.



    Mais à l’occasion de la présentation de ses travaux, s’annonçant comme sa première consécration devant un auditoire hautement spécialisé, un nouvel étudiant, aussi talentueux qu’elle, remet en question tout ce en quoi elle croyait. Ses certitudes s’écroulent en un instant. Et le ciel lui tombe une seconde fois sur la tête lorsqu’elle se sent trahie par son directeur « mentor », qui la lâche, argumentant que « les mathématiques ne doivent souffrir d’aucun sentiment. » Dans la vie comme dans la recherche, les erreurs font souvent avancer plus que les certitudes. C’est ce que va expérimenter Marguerite qui, pour se relever de cette chute, se confrontera à une nouvelle équation dans laquelle la quête de vérité mathématique devra laisser l’espace à la quête de vérité intime. Car on se doute bien que le look austère de Marguerite cache des douleurs muettes…
    Notre héroïne entame alors un nouveau parcours initiatique ponctué de rencontres déterminantes, qui lui permettront de sortir du cadre, d’élargir les possibles… Mais une constante s’affirme cependant : Marguerite continue de décrypter le monde en phrases mathématiques. Et malgré son erreur, elle ne peut se détacher de sa quête du Graal : la résolution de la conjecture de Goldbach…
    C’est sur le registre de la traduction du langage mathématique en langage cinématographique et poétique que le film s’avère le plus original. Les lignes de raisonnement et équations abstraites (et véridiques) se projettent sur les murs transformés en tableau noir, telles des hiéroglyphes indéchiffrables pour le commun des mortels.

    « Il y a un vrai parallèle à faire entre les mathématiques et la création artistique. Ce qui relie les maths et la réalisation, c’est le risque et la passion qui font que nous sommes parfois prêts à travailler des années sans savoir si notre travail va trouver une issue. », confie Anna Novion. Dans son troisième long-métrage (après les très beaux Les Grandes personnes, 2007, et Rendez-vous à Kiruna, 2013), elle nous offre une sorte de comédie romantique surprenante, qui montre aussi la ténacité quasi surhumaine dont doit faire preuve une jeune femme pour se faire une place dans la course à l’excellence, pour survivre dans un microcosme scientifique majoritairement masculin où la concurrence fait rage. Pour avancer dans son labyrinthe et s’accomplir, Marguerite devra faire la part entre les empêchements liés aux figures du pouvoir du système et ses propres blocages personnels. Le Théorème de Marguerite laisse entendre que toute quête de vérité passe par la pertinence du point de vue, que ce soit en sciences, en amour ou en cinéma…
    Un film qui saura séduire les plus réfractaires au théorème de Pythagore comme il enchantera les experts en la matière, qui y trouveront peut-être des éléments pour démontrer Goldbach, encore irrésolu à ce jour ! Dont cette hypothèse : le désordre amoureux ne serait-il pas le meilleur moteur pour résoudre le problème mathématique qui consiste à mettre de l’ordre dans l’infini ?


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  •  Ce film est une pure merveille. L'image est au-delà du sublime et les costumes sont magnifiques. Les acteurs sont au service d'un scénario génial. Une pure merveille!

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    Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. Au fil du temps, de la pratique de la gastronomie et de l'admiration réciproque est née une relation amoureuse. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.

    Cette merveilleuse immersion dans la gastronomie française donne très littéralement l’eau à la bouche ! Comme en cuisine, tous les sens sont ici conviés et la musique est celle de la viande qui frémit dans la poêle, de l’eau qui bouillonne dans la marmite en cuivre, du beurre qui frétille, des coups francs du couteau qui tape sur le billot ou du doux cliquetis des couverts sur la porcelaine : un concerto à part entière !
    Faut-il aimer cuisiner pour apprécier La Passion de Dodin Bouffant ? Non. Inutile de savoir lire le solfège pour aimer une sonate pour piano de Chopin. Néanmoins, celles et ceux pour qui la cuisine, modeste ou ambitieuse, familiale ou expérimentale, traditionnelle ou avant-gardiste, occupe une place importante dans l’existence (et oui, je le confesse, j’en suis) y découvriront matière à s’exalter et à nourrir ce plaisir que l’on dit aussi, un peu, charnel. Mais d’abord, la cuisine, c’est le lieu où tout se passe, où tout se crée.


    C’est dans cette pièce chaleureuse que le chef Dodin Bouffant et celle qui est bien plus que sa cuisinière, Eugénie, passent la majeure partie de leur existence à concevoir, préparer, peaufiner goûter d’innombrables recettes. En sauce, en béchamel, gratiné, mijoté, saisi, grillé, au four, à la poêle, en cassolette, en bouillon, poché, à l’étuvée… chaque plat exige une attention amoureuse de chaque seconde. Les gestes sont précis et déterminés, les regards complices et les papilles assurées. Ces deux-là s’aiment, c’est évident, mais d’une façon bien singulière. Ce n’est pas une passion dévorante, ni un amour conjugal doux et discipliné, c’est une relation complexe et complice nourrie par le partage des saveurs, des textures, des parfums. Une histoire étonnement moderne où chacun se respecte et où les corps, s’ils se désirent et se livrent parfois, n’appartiennent jamais à l’autre. Eugénie est passionnée, tout entière vouée à son art et farouchement indépendante. Dodin est flamboyant, délicat, libre et amoureux attentif. Arrivés à ce qu’il convient d’appeler « l’automne de leur existence », Dodin est obsédé par cette idée : qu’Eugénie, enfin, devienne sa femme. Eugénie, elle, est ailleurs, et ne pense qu’à une chose : sa succession. Car l’art culinaire prend tout son sens quand il est partage, transmission et cette jeune Pauline semble avoir toutes les qualités requises pour devenir la nouvelle apprentie : elle est posée, sensible et son palais semble déjà très affirmé…

    Inutile de chercher ni d’attendre des épisodes dans le récit qui ne seraient pas liés, de près ou de loin, à la gastronomie, il n’y en a pas ! Et même les séquences de marivaudage entre Dodin et Eugénie tournent toujours autour de ce même thème. Tous les personnages secondaires n’existent que dans la mesure où ils rythment et nourrissent par leur présence cette intarissable conversation gourmande. Jamais sans doute depuis Le Festin de Babette nous n’avions vu au cinéma une peinture aussi belle, aussi précise, aussi généreuse des arts de la table. Sans être académique, ni grandiloquent, le tableau se fait impressionniste et suit aussi, comme en cuisine, le fil des saisons. Mises en scène par le chef étoilé Pierre Gagnaire (par ailleurs cinéphile averti), les scènes de cuisine sont un véritable ballet à la gloire de l’instant présent, de la magie de l’alchimie culinaire et de l’amour partagé autour d’un pot-au-feu.


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  • Une merveille de film, tout en douceur et en nuances.

    Le Bleu du Caftan

    Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs.

    Voilà un film d’une subtilité et d’une délicatesse rarement égalées sur un sujet qui aurait pu prêter à tous les clichés, à toutes les outrances, à tous les préjugés faciles… Un sujet qui ne se dévoile d’ailleurs pas dans les premières séquences, qui s’imposera doucement, au fil du récit.
    Les premières images nous font découvrir, dans la médina de Salé, modeste ville portuaire contiguë à Rabat, l’échoppe de caftans que tiennent Halim et son épouse Mina. Une activité artisanale qui relève d’un art ancestral en voie de disparition, alors que le prêt-à-porter industriel venu des pays asiatiques, accessible à bas prix sur tous les marchés, est une rude concurrence face à une clientèle qui veut tout, tout de suite et toujours moins cher.

    Les personnages existent d’emblée, dotés d’une personnalité immédiatement sensible et attachante : Halim est un homme discret voire taiseux, dont l’attention est concentrée sur la confection de ces précieux vêtements qui nécessitent des heures et des heures de travail ; Mina, plus volubile et affairée, gère la boutique en veillant bien à préserver son homme de l’impatience des clientes : « mon mari est un maalem (un maître artisan), pas une machine ! ».
    La vie du couple va être bouleversée par l’arrivée d’un jeune apprenti, Youssef, qui se révèle une aide précieuse à l’atelier. On ressent rapidement l’attirance de Halim pour le jeune homme et on découvre les secrets enfouis : l’homosexualité refoulée de Halim, qui entretient des relations fugaces lors de ses visites au hammam, ainsi que la maladie de Mina qui la ronge peu à peu.
    Maryam Touzani – dont on avait déjà beaucoup aimé le premier long métrage, Adam, en 2019 – explore avec une finesse de chaque plan, de chaque ligne de dialogue, les zones incertaines des sentiments. Bien que Halim préfère la sexualité des hammams (très subtilement et érotiquement évoquée par un plan sur des chevilles emmêlées que l’on devine sous la porte d’une cabine) et délaisse charnellement son épouse, il l’aime profondément, il déborde d’attentions pour elle, il satisfait ses envies improbables, comme dans cette très jolie scène où il l’emmène passer une soirée dans un café en principe réservé aux hommes, indifférent aux regards réprobateurs. Étrangement l’amour de Halim pour son apprenti et la maladie qui gagne du terrain chez Mina vont rapprocher le couple, qui va peu à peu s’unir dans la vérité et l’acceptation de l’avenir.
    On retrouve, dans la manière dont le très beau film de Maryam Touzani aborde l’homosexualité dans une société de culture musulmane, la même délicatesse, la même intelligence, la même liberté de ton que dans Joyland, le film pakistanais de Saim Sadiq, tout récemment plébiscité dans nos salles.
    Mais Le Bleu du caftan séduit aussi par sa mise en scène, qui joue merveilleusement des espaces et des couleurs, couleurs éclatantes des tissus, ocres estompés des espaces étroits de l’intimité. Et le parallèle entre la proximité des corps et le travail des tissus, magnifiques, doux comme une caresse, crée une ambiance d’une belle et sereine sensualité.

    Pas question de terminer sans souligner la performance du trio de comédiens, essentiels dans la totale réussite du film : Lubna Azabal (déjà présente dans Adam), Saleh Bakri, grand acteur palestinien, et le débutant Ayoub Missioui sont absolument remarquables.

     


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  •  Un film plein de surprises que je vous recommande chaudement. Bien filmé, bien joué et on ne s'attend pas du tout au dénouement.

    Magnificat

    À la mort d’un prêtre, la chancelière du diocèse découvre abasourdie qu’il s’agissait d’une femme ! Contre l’avis de son évêque qui souhaite étouffer l’affaire, elle mène l’enquête pour comprendre comment et avec quelles complicités une telle imposture a été possible...

    D'après le roman Des femmes en noir d’Anne-Isabelle Lacassagne.


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  • Une pure merveille! Tout est réussi: le scénario, le jeu des acteurs, les costumes, les décors et l'image qui est d'une beauté à couper le souffle.

    Jeanne du Barry

    Jeanne Vaubernier, fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry, qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu. Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour.

    Pour ce nouveau film, qui fait l’ouverture du Festival de Cannes, Maïwenn a appliqué la méthode qui est la sienne depuis le début de sa carrière de réalisatrice (c’est mine de rien son sixième long métrage) : le changement de cap radical. Après le très personnel et intimiste ADN, elle se lance dans le film historique, le film en costumes, et s’empare du personnage sulfureux de Jeanne du Barry, la dernière favorite du roi Louis XV.

    Jeanne Bécu, connue aussi sous le nom de Vaubernier, est une fille du peuple née de père inconnu qui, malgré une éducation au couvent qui la révéla très bonne élève, ne peut compter que sur sa beauté pour sortir de sa condition.
    Elle en prend acte et choisit ses amants avec soin. C’est ainsi qu’elle devient la maîtresse du Comte du Barry, qui veut la présenter à Louis XV, espérant tirer profit – tel un vulgaire proxénète – d’une liaison entre Jeanne et le roi. La rencontre se concrétise par l’entremise de l’influent duc de Richelieu (l’arrière-petit-neveu du Cardinal si j’ai bien suivi) et fait des étincelles : le monarque vieillissant sort de sa torpeur au contact de Jeanne et retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour…

     C'est une vision iconoclaste et protoféministe du personnage de La du Barry, que Maïwenn s’est approprié corps et âme pour voler dans les plumes de la volaille perruquée, poudrée et pommadée qui encombre la (basse)Cour. Quant à Johnny Depp en Louis XV, il est parfait quoique peu bavard.


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  • Une pure merveille! 

    La conférence

    Au matin du 20 janvier 1942, une quinzaine de dignitaires du IIIe Reich se retrouvent dans une villa cossue à Wannsee, conviés par Reinhard Heydrich à une mystérieuse conférence. Ils en découvrent le motif à la dernière minute : ces représentants de la Waffen SS ou du Parti, fonctionnaires des différents ministères, émissaires des provinces conquises, apprennent qu’ils devront s’être mis d’accord avant midi sur un plan d’élimination du peuple juif, appelé Solution Finale. Deux heures durant vont alors se succéder débats, manœuvres et jeux de pouvoir, autour de ce qui fera basculer dans la tragédie des millions de destins.

    C’est une plongée inouïe dans les zones les plus insondables de l’âme humaine, une immersion vertigineuse autant qu’indispensable au cœur de la banalité du mal le plus absolu tel que l’a formalisé la grande Hannah Arendt. Le film rend compte – au mot près, d’après les minutes du compte-rendu de l’époque – d’une simple réunion de dignitaires politiques et militaires, mais une réunion qui fit basculer dans la tragédie le destin de plus de 10 millions de femmes, d’hommes et d’enfants dont le seul crime était d’être nés Juifs.

    Cette réunion, c’est la conférence de Wansee, du nom du lac au bord duquel se retrouvèrent, le 20 janvier 1942, quelques-uns des plus importants responsables du régime nazi. La présidence est assurée par le général Heydrich, venu de Prague dont il est le gouverneur, par ailleurs chef de la Sécurité du Reich, de la police de sûreté et du service de sécurité et de renseignement. À ses côtés, le célèbre Adolf Eichmann, responsable des affaires juives, Heinrich Muller, chef de la Gestapo, le Docteur Lange, responsable des actions de la police en Lettonie… et une douzaine d’autres hauts gradés ou fonctionnaires.
    L’objet de la réunion : définir et organiser ce qui restera à jamais dans l’histoire sous le terme terrifiant de « solution finale », à savoir l’extermination systématique et industrielle des Juifs d’Europe, sans distinction de sexe ou d’âge.

    Si vous vous attendez à ce que, parmi la bonne quinzaine de militaires, policiers, responsables politiques ou administratifs, il y ait au moins une ou deux réserves sur une décision aussi hallucinante de cruauté et d’inhumanité, perdez d’ores et déjà toute illusion. C’est tout juste si l’un s’émeut tout de même de savoir si les Juifs métissés seront épargnés, de même que ceux qui furent des héros de la Grande Guerre côté allemand… ou si un autre se préoccupe des éventuelles conséquences psychologiques non pas sur les proches des victimes de l’holocauste mais sur leurs bourreaux, soldats possiblement traumatisés par les horreurs qu’ils seraient obligés de commettre, et donc beaucoup moins aptes au combat…

    Il faut dire que l’extermination des Juifs n’est plus en 1942 un sujet de débat. Même si une partie de la population allemande ou des pays conquis ne sait pas ou se voile la face (et encore, revoir Shoah de Lanzmann devrait permettre de douter), le Reich depuis son entrée en guerre (avant, le régime privilégiait l’émigration forcée) massacre les Juifs à tour de bras : en Ukraine, c’est l’exécution par balles de 30 000 malheureux lors du massacre de masse de Babi Yar, dans la banlieue de Kiev (massacre immortalisé récemment par le formidable film de Sergei Loznitsa). Dans les pays baltes, ce sont les camions chambres à gaz qui font leur triste office… Mais voilà : ces « méthodes artisanales » ne sont pas à la hauteur de l’objectif à atteindre : l’anéantissement des 11 millions de Juifs d’Europe. D’où la création des camps d’extermination – en premier lieu celui Auschwitz – et l’organisation de la déportation et du transport de ces millions de Juifs vers les lieux de leur mort certaine. La Conférence de Wansee est avant tout, et c’en est d’autant plus glaçant, une grande discussion autour des questions de logistique.

    Portés par des acteurs qui incarnent remarquablement ces monstres froids, ce sont surtout les mots qui sont importants, des mots qui fuient toute empathie ; les participants évoquent des « unités » pour les hommes et femmes entassés dans les wagons, on parle de « traitement spécial » pour parler d’un génocide ou d' « hygiène raciale » qui rabaisse les Juifs à des transmetteurs d’épidémie à éradiquer… La déshumanisation par le langage, c’est le début de l’horreur.


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  • Un très beau film sur la faillite de la gendarmerie et de la justice. Les gendarmes qui se croient tout permis, qui menacent les victimes, qui n'en font qu'à leur tête et qui ne connaissent pas le droit. Quant à la justice c'est un peu la même chose, du grand n'importe quoi: au lieu de protéger les victimes, elle juge froidement, sans tenir compte d'un dossier bancal qui va dans tous les sens et dans aucun en particulier. Un excellent film d'une victime qui a failli se faire broyer par une justice qui s'en fout. Comment les magistrats peuvent-ils rendre la justice quand ils sont obligés de se baser sur des enquêtes bâclées. Les procureurs devraient peut-être prendre l'habitude de lire les dossiers avant de poursuivre... et de voir les incohérences des dossiers. Et poursuivre les bonnes personnes même si ce sont de grosses légumes.

    La syndicaliste

    Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez Elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ?

    Un thriller haletant sur un scandale d’état.

    Le 17 décembre 2012, dans un cossu pavillon de banlieue, une femme est retrouvée ligotée sur une chaise, en état de sidération. La lettre A a été tracée sur son ventre à l’aide d’une lame tranchante.
    Cet incipit pourrait être celui d’un roman policier d’Arnaldur Indridason, un inspecteur un peu alcoolique et forcément dépressif aurait mené l’enquête dans les faubourgs de Reykjavik, et il aurait été embarqué dans les coulisses sordides d’un quelconque trafic mêlant mafia locale et pontes en costards cravates. Ça aurait pu… mais la réalité dépasse souvent la fiction, et rien de scandinave – n’en déplaise à la blondeur inhabituelle d’Isabelle Huppert – dans ce thriller politique adapté d’une histoire vraie.

    La femme en question, bien que d’origine irlandaise, est au service d’un grand groupe industriel tout ce qu’il y a de français, Areva, fleuron du nucléaire civil, et elle s’appelle Maureen Kearney. C’est la déléguée syndicale de la CFDT. Un poste d’équilibriste nécessitant une bonne dose de sang froid, une volonté de fer et l’art de savoir naviguer avec aisance dans tous les milieux influents, des couloirs feutrés de Bercy à la buvette de l’Assemblée Nationale en passant par le bureau d’Anne Lauvergeon, alors à la tête de l’entreprise. Quelques mois avant cette sinistre mise en scène, Maureen a eu vent d’un contrat secret passé entre la France et la Chine, concernant la conception d’un nouveau réacteur nucléaire. Elle est persuadée qu’en arrière-plan de ces négociations se joue l’avenir d’Areva – et celui de milliers de ses salariés –, de plus en plus éclipsée par sa rivale EDF, l’autre pilier du nucléaire tricolore.
    Tête de lard et de pioche à la fois, n’écoutant personne et surtout pas son cher époux qui aimerait bien qu’elle lève le pied, Maureen s’était alors mise en tête d’alerter les politiques et les médias… Se pourrait-il qu’il y ait un lien entre son activisme et son agression ?
    À moins que Maureen n’ait elle-même tout manigancé pour arriver à ses fins : révéler au grand jour cette affaire… De « mauvaise victime », elle pourrait bien passer au statut de suspecte numéro un.

    Sous tension permanente, incarné par une brochette de comédiens tous excellents (mention spéciale à Grégory Gadebois en époux oscillant entre résignation et indécision et à l’excellent Christophe Paou, vu chez Alain Giraudie et dernièrement dans Oranges sanguines de Jean-Christophe Meurisse, incarnant un Arnaud Montebourg plus vrai que nature), ce polar politique décortique les jeux et intimidations du pouvoir. On y constatera le peu de considération pour l’humain, largement dissout non pas dans l’acide mais dans les vastes enjeux stratégiques, financiers et politiques, et les diverses manipulations qui ont mené au démantèlement d’Areva. C’est aussi bien sûr une charge virulente contre la misogynie crasse de ces hautes sphères du pouvoir, où il faut à une femme un caractère bien trempé et une résistance à toute épreuve pour se faire une place parmi tous ces mâles alpha.
    Mettant en lumière un dossier curieusement moins connu que les affaires Clearsteam ou Médiator, cette fiction indispensable fait donc encore plus froid dans le dos qu’un polar islandais. Pour la petite histoire, la vraie Maureen Kearney a été étroitement liée à l’écriture du scénario, tout en laissant à Jean-Paul Salomé la liberté de la fiction. On citera au passage l’excellente mini-série documentaire réalisée par Nina Robert, L’Affaire Maureen Kearny (France Télévision), et sa formidable contre-enquête.
    « J’étais ligotée sur une chaise. Il y a eu le revolver, puis le couteau sur mon ventre. Si j’avais su, je ne serai jamais devenue la syndicaliste d’Areva. ». Maureen Kearney

     


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  • Plein de douceur et de tendresse. un très beau film que j'ai adoré. 

    Les choses simples

    Vincent est un célèbre entrepreneur à qui tout réussit. Un jour, une panne de voiture sur une route de montagne interrompt provisoirement sa course effrénée. Pierre, qui vit à l’écart du monde moderne au milieu d’une nature sublime, lui vient en aide et lui offre l’hospitalité. La rencontre entre ces deux hommes que tout oppose va bouleverser leurs certitudes respectives. Et ils vont se surprendre à rire. Au fond, vivent-ils vraiment chacun les vies qu’ils ont envie de vivre ?


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  • Une pure merveille que je vous recommande chaudement!

    Vaincre ou mourir

    1793. Voilà trois ans que Charette, ancien officier de la Marine Royale, s’est retiré chez lui en Vendée. Dans le pays, les promesses de la Révolution française laissent place à la désillusion. La colère des paysans gronde : ils font appel au jeune retraité pour prendre le commandement de la rébellion. En quelques mois, le marin désœuvré devient un chef charismatique et un fin stratège, entraînant à sa suite paysans, femmes, vieillards et enfants, dont il fait une armée redoutable car insaisissable. Le combat pour la liberté ne fait que commencer…

    Pour en savoir plus, cliquez ici.


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    Une robe pour Mrs Harris

    Dans le Londres de l’après-guerre, Ada Harris gagne sa vie en faisant des ménages. Si elle mène une vie très solitaire depuis le décès de son mari Eddie, porté disparu au combat. Ada n’est pourtant pas du style à se plaindre, ni même s’appesantir sur son sort, et pourtant, elle qui se croyait les pieds bien ancrés dans la réalité, est tout à coup submergée par une vague de rêve et d’émerveillement quand elle découvre une magnifique robe signée DIOR, nonchalamment accrochée dans la chambre d’une de ses riches clientes. Elle se surprend alors à penser qu’une si belle œuvre d’art, si pure, si éthérée ne peut que changer la vie de quiconque la possède.

    Une robe pour Mrs Harris est adapté du roman de Paul Gallico, Mrs. 'Arris Goes to Paris, publié pour la première fois en 1958. Il s'agit du premier des quatre livres dédiés aux aventures de cette femme de ménage consciencieuse qui va vivre l’aventure de sa vie en partant à Paris à la recherche d’une robe Christian Dior.


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  • Voilà le cinéma comme je l'aime!!! Le film en lui-même est magnifique et en plus, on apprend quelque chose!! 

    scénario: 19/20      acteurs: 19/20   technique: 19/20    note finale: 19/20

    L'ombre de Staline

    Pour un journaliste débutant, Gareth Jones ne manque pas de culot. Après avoir décroché une interview d’Hitler qui vient tout juste d’accéder au pouvoir, il débarque en 1933 à Moscou, afin d'interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique. A son arrivée, il déchante : anesthésiés par la propagande, ses contacts occidentaux se dérobent, il se retrouve surveillé jour et nuit, et son principal intermédiaire disparaît. Une source le convainc alors de s'intéresser à l'Ukraine. Parvenant à fuir, il saute dans un train, en route vers une vérité inimaginable...

    HoLoDoMor… Quatre syllabes, quatre notes échappées d’un requiem secret, que murmurent les morts aux oreilles des vivants, qui sonnent comme un remords, une peine interdite, un chagrin sans paroles, puisqu’aussi bien les grandes douleurs sont muettes, surtout lorsqu’elles sont tues d’une balle en pleine tête.
    Quand en 1933 Gareth Jones entreprend d’enquêter sur l’incroyable développement économique de l’URSS alors que le reste du monde capitaliste subit les affres de la Grande Dépression, il n’a jamais entendu prononcer ce mot mystérieux ; mais au delà de l’empathie qu’il éprouve pour la Patrie des Travailleurs, et sa conviction que la Grande Bretagne devra s’allier à elle face à la menace hitlérienne, une question le taraude : comment diable une nation majoritairement paysanne peut-elle financer les gigantesques travaux d’industrialisation à marche forcée du premier plan quinquennal ? Qui paie et avec quoi ?
    Armé de son culot, de son Leica et d’une lettre d’accréditation signée du Premier Ministre Lloyd George, Jones débarque à Moscou bien décidé à décrocher une interview de Staline en personne, mais il lui faudra vite déchanter : baladé par les officiels, éconduit par le directeur du bureau du New York Times, surveillé par les agents du Guépéou, il comprend qu’il a mis le doigt sur une question sensible. Faussant compagnie à ses anges gardiens, il pénétre dans une région interdite aux touristes, au journalistes et aux curieux : l’Ukraine, grenier à blé des Soviets, « l’or de Staline »… L’or des morts…

    Aujourd’hui connu sous le nom de Grande Famine, provoquée sciemment par le Maître du Kremlin pour servir ses desseins économiques (la mutation industrielle) et politiques (la mise à genou d’un pays-satelllite vital mais rebelle), l’Holodomor demeure dans l’angle-mort des génocides du xxe siècle, qui n’en fut pas avare. En racontant l’histoire vraie de Gareth Jones, sorte de Tintin au Pays des Soviets, un peu naif, un peu boy-scout, maladroit avec les femmes mais intransigeant sur les questions éthiques, Agnieszka Holland place le spectateur dans la peau de Candide, celui qui regarde le monde avec des yeux de nouveau-né, sans calcul ni hypocrisie. Alors quand Jones soulève enfin le voile drapant ces villages Potemkine, et que la réalité lui saute au visage avec la sauvagerie d’un fauve affamé, nous sommes frappés comme lui par l’horreur de ce qu’il découvre, et soulevé par la même rage à rétablir l’honneur des millions qui furent trois fois tués : la première fois par la faim, la deuxième fois par le mensonge, la troisième fois par l’oubli.
    Car le vrai Gareth Jones a témoigné en vain de ce qu’il avait vu : harcelé et ridiculisé par la puissance de la Propagande qui usa de tous ses relais pour le décrédibiliser, sa voix se fit inaudible, et on l’oublia. Ce qui nous renvoie à d’autres tragédies, d’autres génocides et d’autres silences, qui nous parlent encore aujourd’hui ; et si le message n’était pas assez clair, Agnieszka Holland place ouvertement son film sous les auspices de George Orwell, dont elle fait ici un personnage secondaire, coryphée discret dont les citations extraites de son chef d’œuvre La Ferme des animaux forment autant de commentaires aussi acerbes qu’implacables sur la funeste aventure qu’est en train de vivre Mr. Jones, et avec lui le reste de l’humanité… Et c’est pourquoi au-dessus des plaines d’Ukraine les corbeaux croassent encore : HoLoDoMor…


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  •  Ce film est une pure merveille!! Tout est réussi: le jeu des acteurs, le scénario, la techniqu. les problèmes de la Tunisie contemporaine sont évoqués avec beaucoup de délicatesse et d'humour. Les dialogues sont particulièrement réussis. Magnifiquement porté par Golshifteh Farahani, dans le rôle d’une psychanalyste, le premier film de Manele Labidi est plein de fraîcheur.

    scénario: 19/20          technique: 19/20      acteurs: 19/20   note finale: 19/20

    Un divan à Tunis

    Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays « schizophrène ». Mais entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés… Alors que Selma commence enfin à trouver ses marques, elle découvre qu'il lui manque une autorisation indispensable pour continuer d'exercer…

    La scène d’introduction – quiproquo autour du célèbre portrait photographique de Sigmund Freud portant la chéchia rouge, le couvre-chef traditionnel tunisien – dit bien d’emblée toute la fantaisie de ce film, et tout l’humour de sa pétillante héroïne, Selma, fraîchement débarquée de Paris pour installer son divan à Tunis ! Car n’en déplaise aux langues de vipères, aux oiseaux de mauvaise augure et autres sceptiques locaux qui jurent par le Saint Coran qu’il n’y a pas besoin de psy dans ce pays, Selma est bien décidée à installer son cabinet de thérapeute sur le toit terrasse de la maison de son oncle. Et y a fort à parier que les Tunisiennes et les Tunisiens, en pleine crise existentielle post-révolution, ont bien des choses à lui dire.



    Car oui, dans cette Tunisie d’après Ben Ali, la parole, muselée pendant des années de dictature, se libère et le pays redevient bavard, dans un élan un peu chaotique où tout se bouscule : les angoisses du passé, la peur de l’avenir, les désirs et les rêves qui peuvent à nouveau se raconter.
    Il y a l’imam à qui l’on reproche de ne pas avoir laissé pousser sa barbe, le boulanger tumultueux qui adore se travestir et aimerait comprendre et assumer cette étrange pratique. Il y le trentenaire « pot de colle » aux allures de gros bébé qui ne veut pas quitter sa maman chérie d’une semelle, et la tourbillonnante Baya qui excelle dans l’art de la mise en plis mais est prise de nausées dès qu’elle pense à sa mère. Il y aussi l’oncle qui dissimule de l’alcool dans des cannettes de coca, habitude prise sous Ben Ali dont il n’arrive pas à se débarrasser. Et la jeune cousine qui rêve de Paris et montre ses seins façon Femen en plein cours d’éducation religieuse… Même le jeune policier se fait un devoir de répéter haut et fort que c’en est fini des décennies de bakchichs et qu’il est temps de retrouver des règles de bonne conduite pour reconstruire la nation.
    Selma va imposer son art et ses manières, même s’il lui faudra aussi faire preuve d’ingéniosité et d’un sens aigu de la négociation quand il s’agira de montrer patte banche aux autorités, pas vraiment ravies de voir une jeune Franco-tunisienne proposer à ses concitoyens de venir s’allonger sur son divan, rideaux fermés !

    Sans jamais tomber dans une vision caricaturale de la psychanalyse, ni dans les clichés exotiques pour parler de la Tunisie, Un divan à Tunis est un délicieux cocktail d’intelligence, de drôlerie et d’émotion qui raconte, l’air de rien, l’état d’un pays entre l’élan de modernité et le poids des traditions, entre les vieux réflexes d’un temps révolu et le besoin de se construire un avenir meilleur. Un pays qui a besoin de parler, de panser ses blessures, de ne rien renier de son histoire mais d’aller de l’avant. Un pays que l’on découvre en pleine ébullition, avec une jeunesse dynamique, un peuple déboussolé qui se cherche pour le meilleur, ayant laissé le pire dans le rétroviseur. Bref, le patient idéal pour commencer une thérapie. Et si la thérapeute a les traits sublimes et le charisme de la belle Golshifteh Farahani, ça promet !
    Il y a dans ce film une joie et une énergie communicatives, un humour que l’on trouve habituellement dans les comédies italiennes des années 60/70 plutôt que dans le cinéma qui nous vient de l’autre côté de la Méditerranée, et c’est très réjouissant ! Une pépite ensoleillée en plein cœur de février.


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  • Encore une merveille!! Huitième film de fiction jamais produit au Soudan, "Tu mourras à 20 ans" invite le spectateur à redéfinir la poreuse frontière entre la vie et la mort. Un film rare, intense et d’un courage inouï, qui ose défier la pensée conformiste de toute une société. Un premier long-métrage fort, beau et riche sur la confiscation d’un avenir et l’instrumentalisation des croyances. Tu mourras à vingt ans, premier long-métrage soudanais de fiction depuis plus de deux décennies, propose une envoûtante fable initiatique et politique.  Avec des acteurs et une mise en scène magnifiques de tenue et d’éclat, [le film] s’arroge le pouvoir de nous embarquer dans une tout autre façon de sentir le monde et d’appréhender la vie.

    scénario: 19/20        acteurs: 19/20   technique: 19/20   note finale: 19/20

    Tu mourras à vingt ans

    Soudan, province d’Aljazira, de nos jours. Alors que Sakina et son mari Alnoor présentent leur fils Mozamil à une cérémonie de baptême soufiste, un derviche s'évanouit. La sentence est sans appel : l'enfant mourra quand il atteindra l'âge de vingt ans. Se sentant maudit, le père décide de s'exiler plutôt que de supporter le poids de cette prédiction. Sakina élève donc seule son fils : elle le couve et le protège de tout ce qui pourrait risquer sa vie avant l'heure choisie par le prophète, ainsi que des autres enfants qui le moquent et le harcèlent. Mozamil ne trouve du réconfort qu'à l'école coranique où il se passionne pour les écritures, et auprès de Naima, une voisine de son âge qui lui témoigne une tendresse sans faille. À dix-neuf ans, Mozamil reste un garçon réservé qui accepte son destin avec docilité. Sa rencontre avec Suleiman, esprit libre passionné de cinéma revenu vivre au village, va ébranler ses certitudes. Le temps passe pourtant inexorablement et la date fatidique approche... Un jour, Muzamil a 19 ans....

    S'il est seulement le huitième long-métrage de fiction produit au Soudan, Tu mourras à 20 ans est néanmoins un film à la mise en scène sobre et maîtrisée, qui mêle habilement le réalisme de la vie quotidienne au poids des croyances religieuses. Derrière une narration ménageant subtilement le suspense annoncé par le titre, Amjad Abu Alala délivre un message politique dénonçant le dogmatisme et le déterminisme : un premier film en forme d'appel à la liberté et la découverte d'un cinéaste prometteur.

    Parfois de grands pays s'éveillent à la vie et à la démocratie tout en s'éveillant au cinéma. Le Soudan était ainsi, depuis de longues décennies, absent aussi bien de nos écrans que de nos imaginaires. Le Soudan, pour ceux qui sont un minimum informés, se résumait à une sombre dictature où régnait la charia, et que l'on soupçonnait d'être un des états financeurs du terrorisme international. Mais les Soudanais, après avoir subi pendant presque trente ans le joug du sinistre Omar El Bechir, ont enfin réussi à faire chuter le vieux dictateur. Ils sont donc petit à petit revenus à la vie, et au cinéma : il faut rappeler que l'art cinématographique était vivace dans le Soudan marxiste des années 1960/1970. Ce n'est donc sans doute pas un hasard si, en quelques semaines, deux films soudanais arrivent sur nos écrans. Nous avons programmé le premier en décembre : Talking about trees, merveilleux documentaire sur quatre papys cinéastes et cinéphiles qui tentent avec humour et détermination de rouvrir un vieux cinéma en plein air, entre tracasseries administratives et moralisme islamiste tatillon. Et le second nous arrive en février, une fiction cette fois : Tu mourras à vingt ans, un beau conte au réalisme magique qui est aussi une parabole du réveil démocratique.

    Le héros du film s'appelle Muzamil, et c'est un garçon qu'une malédiction frappe dès sa naissance. Au grand malheur de ses parents, un cheikh soufi en visite dans leur village, dans l’état agricole d’Al-Jazira, leur annonce que le garçon mourra lorsqu'il atteindra l'âge de vingt ans : en effet, un de ses derviches tombe inconscient après avoir adressé les louanges « Gloire à Dieu, Vingt », ce qui est le signe indiscutable de la mort prématurée qu'il prophétise. Toute l'enfance et l'adolescence de Muzamil vont être conditionnées par la prédiction : son père, triste et impuissant, s'en va chercher du travail à la ville puis à l'étranger, le laissant seul avec sa mère qui porte dès lors perpétuellement le deuil. Celui que l'on appelle dans le village « l'enfant de la mort » va lui même se résigner à sa fin prochaine et se plonger dans l'étude du Coran.
    Mais il y a Naïma, une jeune femme qui aime Muzamil depuis l'enfance et qui est bien décidée à vivre son amour, quelle qu'en soit l'issue. Et puis survient un homme d'âge mûr, Suleiman, qui a vécu à l'étranger et qui est revenu au village tout en restant à l'écart. Tout chez cet homme représente la liberté et l'indifférence face aux traditions : il se fait livrer de l'alcool en cachette, vit avec une femme libre, probablement ancienne prostituée et chanteuse… Et, miracle, Suleiman va faire découvrir à Muzamil, à travers quelques bobines conservées, le cinéma d'autrefois, et avec lui le Soudan libre des années 60/70. Toute la saveur du paradoxe réside dans le fait que c'est un vieil homme, dans la dernière ligne droite de sa vie, qui représente modernité et liberté alors que le jeune homme avait fini par accepter le sort inéluctable que lui réservait une tradition intangible.

    Et de fait on peut deviner que le combat du cinéaste pour la liberté s'incarne dans le personnage de Suleiman. Mais Amjad Abu Alala filme aussi avec infiniment de beauté et de tendresse les rituels et les couleurs de la ruralité soudanaise, et dessine le portrait de personnages extrêmement simples et touchants, à l'image des parents de Muzamil, profondément attachés à leurs croyances mais tout aussi profondément bienveillants et aimants. Comme si le le réalisateur soudanais voyait le futur de son pays dans un (r)éveil critique de ses citoyens sans pour autant faire table rase d'une culture millénaire.

     


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  • Une merveille!!! Le parcours de cet égoïste sans nom qui préfèrera laisser une veuve et trois orpheline que de faire allégeance à hitler! La photo est magnifique!

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20     technique: 17/20   note finale: 18/20

    Une vie cachée

    Inspiré de faits réels.
    Franz Jägerstätter, paysan autrichien, refuse de se battre aux côtés des nazis. Reconnu coupable de trahison par le régime hitlérien, il est passible de la peine capitale. Mais porté par sa foi inébranlable et son amour pour sa femme, Fani, et ses enfants, Franz reste un homme libre. Une vie cachée raconte l'histoire de ces héros méconnus.

    Terrence Malick sublime son art dans un film majestueux et sans emphase. Revenant à une narration limpide et accessible, il gravite avec aisance de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Passant de l’universel à l’intime, il maintient une distance pudique avec les êtres et, paradoxalement, nous les rend d’autant plus familiers. Ils sont les fragments d’un grand tout, les pièces d’un puzzle complexe, à l’instar de notre humanité et de ses chaotiques parcours. Mis bout-à-bout, ils racontent notre essence, nos forces, nos failles, nos contradictions, nos âmes jadis pures, désormais souillées par tant de zones d’ombres. Par dessus les montagnes qui tutoient le ciel, les nuages s’amassent, à la fois menaçants et salutaires. Leurs volutes ouatées fractionnent la lumière en rais d’or qui transcendent les verts moirés des champs et y impriment une beauté presque vertigineuse, à flanquer des frissons. Déjà chavirés, une musique au lyrisme tenace finit de nous transporter. Elle souligne la force romanesque d’un récit implacable et prenant qui est une ode magnifique à la résistance, à la désobéissance civile.


    1939. Dans la ferme des Jägerstätter, il y a de la joie, de l’amour, des mômes qui gambadent, blonds comme les blés, pas plus hauts qu’eux. Nul n’épargne sa peine et le labeur ne fait pas peur, pas même aux plus jeunes qui contribuent à leur manière. Le pain quotidien des paysans se gagne à la sueur de leur front, grâce à l'obstination de leurs mains caleuses. Cela n’empêche en rien le bonheur. Il flotte dans l’air, comme une odeur de foin coupé, de moissons heureuses. Si Frantz (August Dielhl, au jeu puissant) semble taillé dans un roc, avec sa belle allure athlétique, il n’en oublie pas pour autant d’être tendre avec sa marmaille, taquinant, dorlotant, toujours présent pour sa compagne Franzisca. Dans ce pittoresque village de Radegund, serti dans un écrin de sommets enneigés, l’homme, à n’en pas douter, est apprécié. On le serait à moins : Frantz est toujours prompt à prêter main forte aux membres de la communauté, le cœur sur la main. Comme tout cela va être vite oublié ! Cela pèsera peu dans la balance, quand la bête immonde montrera son nez !
    1939, on l’a dit… La guerre gronde et si elle paraît encore lointaine pour ces cultivateurs, le troisième Reich ne les oublie pas quand il dresse l’état des forces vives de sa nation. Si tous ne seront pas mobilisés, tous doivent néanmoins prêter allégeance à Adolf Hitler. Voilà une nation sur la corde raide, procédant sur un fil ténu, où la vie peut soudain faire basculer le commun des mortels dans un camp qui n’est pas le sien, par peur des représailles. Tous retiennent leur souffle, faisant pâle figure, prêts à abjurer leurs plus profondes convictions. Que faire d’autre ? Le bras armé nazi est trop puissant pour espérer s’y opposer. Franz voit bien tout cela. Il n’est pas plus inconscient, ni téméraire qu’un autre, pas plus suicidaire. Pourtant il refusera de ployer, d’aller contre ses fondements, sa foi, dût-il rompre. Plier n’est pas dans sa nature, plus chêne fier que servile roseau. Rien ni personne ne pourra l'obliger à servir « l'idéologie satanique et païenne du nazisme ». Le voilà seul contre tous, citoyen d’une minorité invisible, banni par un peuple sans lieu et sans repère…

    Une vie cachée se réfère à celle de tous ces héros inconnus, oubliés de la grande histoire, pourtant indispensables. Fresque lumineuse et méticuleuse, elle passe au peigne fin les mécanismes qui font basculer une démocratie dans la dictature. Un opus renversant, qui bouscule nos sens en même temps que les idées reçues. Aucune institution, magistralement incarnées par une forte galerie de protagonistes secondaires, ne sera épargnée : ni l’armée, ni la justice, ni l’église… Même si la spiritualité reste une des figures tutélaires de ce film touché par la grâce

     


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  • J'adore Patricio Guzmann. Pour moi, c'est le plus grand réalisateur chilien. La trilogie débutée par « La Nostalgie de la lumière » et « Le Bouton de nacre » s’achève avec un sublime documentaire. Patricio Guzman achève cette trilogie par La Cordillère des songes, film poétique, intime et introspectif, prix du Meilleur documentaire à Cannes. Le réalisateur chilien, exilé à Paris après le coup d’État de Pinochet, livre une œuvre de maturité qui mêle paysage, réflexion politique et souvenirs d’enfance. D'une grande poésie et bien filmé.

    scénario: 18/20          technique: 18/20    note finale: 18/20

    La Cordillère des songes

    Au Chili, quand le soleil se lève, il a dû gravir des collines, des parois, des sommets avant d’atteindre la dernière pierre des Andes. Dans mon pays, la cordillère est partout mais pour les Chiliens, c’est une terre inconnue. Après être allé au nord pour Nostalgie de la lumière et au sud pour Le bouton de nacre, j’ai voulu filmer de près cette immense colonne vertébrale pour en dévoiler les mystères, révélateurs puissants de l'histoire passée et récente du Chili.

    Notre vision du Chili durant près d’un demi-siècle aura été imprégnée par l’œuvre remarquable et essentielle de Patricio Guzman, cinéaste contraint à l'exil. On se souvient forcément de La Bataille du Chili, Le cas Pinochet, Salvador Allende… Jamais, même à des milliers de kilomètres de son pays natal, l’homme n’en oublia la saveur, les humeurs, les blessures. « Si je n’avais pas connu un coup d’Etat, j’aurais peut-être fait des films légers », déclarait-il un jour. La Cordillère des songes, point d’orgue d’une trilogie entamée il y a dix ans, est empreinte d’une poésie qui rend d’autant plus criante la violence du capitalisme dévastateur décrit dans le film. Il y sublime la vision de son inaccessible terre natale, objet des plus beaux songes comme des pires cauchemars, paradis de l’enfance à tout jamais perdu. Après l’avoir observé à partir du lointain cosmos dans Nostalgie de la lumière, accosté depuis le fond des océans dans Le Bouton de nacre, le réalisateur revient par les airs sur les lieux du crime, en survolant la Cordillère des Andes.

    Cette dernière, lovée dans sa mer de nuages voluptueuse, jadis réputée infranchissable, semble marquer une césure entre le Chili et le reste de l’humanité. Les trois angles d’approche de ce triptyque documentaire sont comme trois puissantes frontières (l’eau, le ciel, la montagne) qui enserrent le Chili dans les griffes de l’espace et du temps. Un triangle vicieux, tout aussi bien écrin que possible prison, voire tombe à ciel ouvert où tant de corps gisent, jamais rendus aux leurs. Au fil des films, les quatre éléments semblent s’être unis pour rappeler ingénument à l’humanité son devoir de mémoire, sans laquelle elle perd tout ancrage et identité. Le vent ne murmure-t-il pas les noms des disparus ? Peut-être la mémoire de l’eau est-elle meilleure que celle des hommes ? Peut-être le feu dans les entrailles de la terre gronde-t-il de la sourde colère des révoltés oubliés ? Peut-être les étoiles scintillent-elles pour éclairer les pas de ces mères qui cherchent en vain les corps de leurs enfants perdus dans les sables du désert ?
    La permanence des éléments fait contrepoint à la condition éphémère de nos existences. La Cordillère s’impose ainsi comme une puissante figure métaphorique. Dans ses dentelles minérales on peut tout aussi bien imaginer les méandres de la carte du tendre que les cicatrices d’un pays mutilé, ou les rides qui ensevelissent celui qu’on a été, ceux qui ont été, dont elle reste le témoin immuable.

    Cette prise de hauteur nous fait opérer une plongée vertigineuse vers le Chili contemporain, sa capitale grouillante, Santiago, que le réalisateur ne reconnait plus, c’est là son vrai vertige. Il élargit son propos, lui donne l’ampleur nécessaire pour comprendre la période actuelle, le mal qui la ronge et qui puise sa source dans les racines de l’oubli. Il convoque artistes, penseurs, amis du passé. Confronte les regards de celui qui a dû partir à ceux qui ont pu rester. De l’écrivain Jorge Baradit au documentariste Pablo Salas, en passant par les sculpteurs Vicente Gajardo et Francisco Gazitúa, tous ont fait de leur terre leur matière première. Ensemble ils analysent et décortiquent ce qui fait l’essence de leur société à deux vitesses extrêmement marquées… Patricio Guzman dresse alors un amer constat… La manière dont les dirigeants, de Pinochet à nos jours, traitent la colonne vertébrale du Chili, la Cordillère, qui couvre 80% de son territoire, devient le symbole de leur désintérêt pour tout ce qui dans le pays n’est pas jugé immédiatement rentable, à commencer par sa nature, sa beauté, son peuple…


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  •  Un chef-d'oeuvre réalisé par une ordure qui viole les petites filles...

    scénario: 19/20         acteurs: 19/20        technique: 19/20      note finale: 19/20

    J'accuse

    Pendant les 12 années qu’elle dura, l’Affaire Dreyfus déchira la France, provoquant un véritable séisme dans le monde entier.
    Dans cet immense scandale, le plus grand sans doute de la fin du XIXème siècle, se mêlent erreur judiciaire, déni de justice et antisémitisme. L’affaire est racontée du point de vue du Colonel Picquart qui, une fois nommé à la tête du contre-espionnage, va découvrir que les preuves contre le Capitaine Alfred Dreyfus avaient été fabriquées.
    A partir de cet instant et au péril de sa carrière puis de sa vie, il n’aura de cesse d’identifier les vrais coupables et de réhabiliter Alfred Dreyfus.

    Pour nous, pas de doute : J’accuse est une belle œuvre, un grand film, une fresque virtuose, intelligemment menée, qui donne à la fois du plaisir et à réfléchir. On peut penser et dire bien des choses de Roman Polanski, on ne peut nier que c’est un immense cinéaste.

    La scène d’ouverture est magistrale ! Toute l’armée, en tenue de grand apparat, semble réunie dans la monumentale cours de l’école militaire de Paris qui fait paraitre ces hommes bien petits malgré leurs grandes décorations. Moment solennel, terrible. Seul devant tous, un jeune capitaine se tient droit, s’efforçant de garder la tête haute à l’écoute de la sentence qui s’abat sur lui. Pire que tout est le cérémonial humiliant de la dégradation. On comprend à son air douloureux qu’en lui arrachant ses épaulettes, on arrache une partie de son cœur, qu’en brisant son épée, c’est sa vie que l’on brise, son honneur que l’on piétine. Même si cela est loin de nous, surtout si on est profondément antimilitariste, on ne peut réprimer un élan de compassion envers cette frêle silhouette accablée qui s’efforce de ne pas vaciller, ces yeux de myope qui repoussent vaillamment les larmes. Puis monte sa voix, droite et sans haine, qui clame dignement son innocence. À cet instant-là on n’a plus aucun doute sur la droiture du bonhomme, sur sa force morale. Cruel contraste avec les généraux, secs ou gras, sains ou syphilitiques, qui ne se privent pas d’un petit couplet raciste sur les Juifs, d’une blague qui vole bas sur leur rapport à l’argent, leurs mœurs… Ce jour-là l’honneur ne semble pas dans le camp de la crème des hauts gradés aux chaussures lustrées qui piétinent dans la fange de la bêtise crasse. Immondes malgré leurs beaux accoutrements ! Pourtant ce sont eux que la foule acclame et l’innocent qu’elle hue.

    Sous une nuée de quolibets, Alfred Dreyfus (Louis Garrel) subit donc sa condamnation à être déporté et enferré sur l’île du Diable. Mais la suite de l’affaire – et c’est là l’idée forte du roman de Robert Harris et du riche scénario que lui-même et Polanski en ont tiré –, on ne va pas la suivre de son point de vue, ni depuis les plus célèbres (Zola, notamment). Judicieusement, on va la suivre depuis le point de vue d’un de ses détracteurs, un pas de côté qui redonne de l’ampleur au sujet, permet de le traiter comme un véritable thriller d’espionnage.
    S’il en est un qui a détesté Dreyfus, bien avant l’heure, c’est le lieutenant-colonel Picquart (Jean Dujardin), qui fut son instructeur. Quand il assiste à la dégradation de son ancien élève, il n’en est pas spécialement ému, cela a même de quoi satisfaire son antisémitisme imbécile. Mais c’est de cet officier supérieur pas spécialement bienveillant que va naître la vérité, car malgré sa détestation des Juifs, Marie-Georges Picquart est un homme juste, d’une probité à toute épreuve, qui ne se contente pas de ses seuls sentiments pour condamner. Nommé à la tête du Deuxième Bureau (service de renseignement militaire), il va avoir tôt fait de tomber sur des pièces tenues secrètes qui pourraient bel et bien innocenter Dreyfus…

    C’est une partition sans faute pour une pléiade d’acteurs sublimes – en marge notons le très beau personnage de femme libre et féministe avant l’heure incarné par Emmanuelle Seigner. Une fresque précise qui dépeint non seulement la descente aux enfers d’un homme, sa réhabilitation, mais également l’ambiance de l’époque et peut-être, comme le déclare Polanski, « le spectacle séculaire de la chasse aux sorcières à l’encontre d’une minorité, la paranoïa sécuritaire, les tribunaux militaires secrets, les agences de renseignement hors de contrôle, les dissimulations gouvernementales et la presse enragée »...


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  • Ce film est une merveille qui plaira aux petits comme aux grands. J'adore les films de Nicolas Vannier qui arrive à se renouveler à chaque fois tout en nous montrant des films qui appellent au respect de la nature. Une aventure humaine touchante et émouvante.

    scénario: 18/20                acteurs: 18/20                   technique: 18/20   note finale: 18/20

    Donne-moi des ailes

    Christian, scientifique visionnaire, étudie les oies sauvages. Pour son fils, adolescent obnubilé par les jeux vidéos, l’idée de passer des vacances avec son père en pleine nature est un cauchemar. Pourtant, père et fils vont se rapprocher autour d’un projet fou : sauver une espèce en voie de disparition, grâce à l’ULM de Christian ! Commence alors un incroyable et périlleux voyage...

    Nicolas Vanier qui a voué sa vie à la nature et au monde animal, se mobilise sans relâche pour leur défense, et on ne peut que constater qu’il filme magnifiquement cette nature, notamment dans ses documentaires polaires, Le Dernier trappeur ou L’Odyssée blanche, témoignant d’une impressionnante maîtrise pour filmer la faune des contrées les plus septentrionales de notre globe.
    Dans Donne-moi des ailes, il allie ses deux talents : suivre les animaux au plus près et raconter de belles histoires destinées à un public familial, de l’écolier à ses grands-parents. L’histoire du film, bien que largement romancée, est directement inspirée de la vie et du combat d’un génial dingo, Christian Moullec, qui co-signe d’ailleurs le scénario. Météorologue de formation et ornithologue par passion, Christian Moullec, inspiré par le zoologiste autrichien Konrad Lorenz, a eu l’idée d’utiliser sa pratique assidue de l’ULM pour suivre dans leur périple les oiseaux migrateurs et plus précisément les oies naines. Mais il est allé plus loin en se disant qu’il était possible de les guider vers de nouvelles voies migratoires alors que celles que les oies empruntaient jusque là, à travers des zones agricoles traitées aux pesticides, à proximité d’aéroports ou de zones très touchées par la pollution lumineuse, pouvaient les menacer et à terme provoquer le déclin de l’espèce. Un autre grand cinéaste animalier, Jacques Perrin, s’était d’ailleurs attaché les services de Christian Moullec pour son Peuple migrateur.

    Christian (Jean-Paul Rouve) habite en Camargue, et il attend son fils dont il n’a la garde que pendant les vacances, tout en préparant fébrilement son ULM pour sa grande expédition. Mais voilà : l’adolescent, comme n’importe quel gamin qui vit à la ville, n’a qu’une crainte, c’est que, dans la maison isolée de son père au bord des marais, il n’y ait pas de réseau, et sans doute pas de wifi, et pour lui, les vacances loin de tous réseaux sociaux s’annoncent d’une sinistrose absolue. Et puis, petit à petit, alors que l’expérience se développe et que les ailes de l’ULM se montent, Thomas commence à s’intéresser à la grande aventure paternelle. Si bien que l’expédition va être aussi l’occasion de resserrer entre le père et le fils des liens qui s’étaient sérieusement distendus.
    Au-delà de la romance familiale assez touchante, Donne-moi des ailes vaut évidemment surtout pour ses superbes images vues du ciel, au côté des oies naines qui vont nous emmener d’un bout à l’autre de l’Europe, depuis la Norvège septentrionale jusqu’à la Méditerranée, une aventure d’autant plus périlleuse que le scientifique, auquel personne ne croit, a falsifié les autorisations nécessaires.

    Ajoutons que le film s’avère de salut public puisque Nicolas Vanier répète à l’envi et à juste raison qu’en trente ans l’Europe a perdu un tiers de sa population d’oiseaux, soit 430 millions d’individus ! Et le réalisateur sincèrement engagé qu’il est dit clairement son bonheur – alors que de nombreux jeunes, dans le sillage de la suédoise Greta Thunberg, se mobilisent pour l’écologie – de voir la Ligue de Protection des Oiseaux et l’Education nationale s’associer pour défendre le message de son film.


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  • Une satyre féroce du monde politique portée par des acteurs au sommet de leur art. Voici une brillante comédie sur la vanité du pouvoir et les incertitudes de la vocation, qui remet à l’heure quelques pendules éthiques et idéologiques.La bétise du monde politique est particulièrement bien montrée.

    scénario: 18/20     acteurs: 18/20    technique: 18/20   note finale: 18/20

    Alice et le maire

    Le maire de Lyon, Paul Théraneau, va mal. Il n’a plus une seule idée. Après trente ans de vie politique, il se sent complètement vide. Pour remédier à ce problème, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe, Alice Heimann. Un dialogue se noue, qui rapproche Alice et le maire et ébranle leurs certitudes.

    On ne prétendra pas que la légendaire pusillanimité du cinéma français à l’égard de la représentation de la chose politique ait disparu. Du moins la trouve-t-on désormais écornée, de loin en loin, par d’excellents films. Le meilleur exemple reste, à cet égard, L’Exercice de l’Etat (2011) de Pierre Schoeller. On lui adjoint sine die Alice et le maire de Nicolas Pariser, qui partage avec lui, sans jamais verser dans la naïveté, une vraie croyance dans le monde qu’il filme, ainsi qu’une bienfaisante suspension de l’aigreur ordinaire qui conduit sans coup férir à la disqualification du sujet.
    Nicolas Pariser se rapproche d’Eric Rohmer – lequel avait signé, en 1993, L’Arbre, le maire, et la médiathèque avec Fabrice Luchini – pour une petite leçon de morale politique, écologique et existentielle.

    Luchini, donc. Et la preuve ici réitérée de son immense talent… Il campe Paul Théraneau, maire socialiste de Lyon, à peu près rincé après trente ans de mandat, non encore tombé dans le cynisme, mais tournant à vide, en pilotage automatique. La manière dont l’acteur parvient à restituer l’animal politique est très remarquable. Un rien y suffit, évitant la caricature, dont il n’est pas donné à tout le monde de se saisir. Quelque chose de demi-mort dans le regard qui flotte sur le monde ordinaire, un imperceptible mouvement des lèvres qui marque une lassitude océanique de la gestion quotidienne, une capacité intacte à se sublimer et à aller chercher loin le vibrato républicain sur le théâtre de l’intervention publique.


    Là-dessus, sa jeune directrice de cabinet embauche une jeune normalienne sans attaches, Alice Heimann (Anaïs Demoustier), pour devenir une sorte de coach mentale du maire en perdition. Sa jeunesse, sa fraîcheur, son manque d’expérience, son étrangeté au milieu, son indifférence aux coups stratégiques – autant de traits dont Anaïs Demoustier, de son côté, s’empare avec une impression de naturel confondant – tombent d’autant plus à pic que Paul Théraneau se met en mouvement pour prendre la tête du parti et se positionner ensuite comme candidat à la présidentielle.
    L’histoire de leur relation occupe donc très délibérément le centre du film, quand bien même quelques personnages et intrigues secondaires, animant l’environnement proche des personnages principaux, s’y révèlent particulièrement bien esquissés…
    La ruche en effervescence de la mairie, le staff perpétuellement sur les dents, les déplacements incessants du maire illustrant la multiplicité de ses tâches et de ses fonctions figurent le théâtre principal de la relation d’abord adjuvante, puis de plus en plus vitale, qui se noue entre les deux personnages. De fait, Alice, par sa capacité d’écoute, par sa faculté d’analyse, par la pertinence intellectuelle de ses interventions, réapprend au maire, animal politique obnubilé par l’efficience de l’action dans un monde qui exige toujours plus de rapidité, les vertus oubliées de la pensée…

    Alice et le maire entre définitivement dans la catégorie des bons films, des grands films, en faisant en sorte qu’un mouvement transforme insensiblement les personnages. Qu’on les trouve changés, l’un et l’autre, par une expérience qui les a réunis et éprouvés et dont on ne révélera surtout pas le fin mot ici. Tout au plus dira-t-on qu’une part d’humanisme a perturbé l’animal technocratique qu’est Paul Théraneau, et qu’à rebours Alice Heimann n’a pu éviter que l’éclaboussure du réel atteigne le pur horizon des concepts. La transparence de la mise en scène, la justesse des dialogues, la tenue des acteurs conspirent ici à un film lucide et subtil, qui fait toute sa part à la cruelle complexité des choses. Une œuvre précieuse, en un mot.


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  •  Ce film est une pure merveille et montre bien comment les paysans d'aujourd'hui sont poussés à la faillite, en particulier par le Crédit Agricole et autres multinationales qui encouragent le sur-endettement. Les acteurs sont excellents, c'est bien filmé, et le scénario est génial.

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20       technique: 18/20   note finale: 18/20

    Au nom de la terre

    Pierre a 25 ans quand il rentre du Wyoming pour retrouver Claire sa fiancée et reprendre la ferme familiale. Vingt ans plus tard, l'exploitation s’est agrandie, la famille aussi. C’est le temps des jours heureux, du moins au début… Les dettes s’accumulent et Pierre s’épuise au travail. Malgré l’amour de sa femme et ses enfants, il sombre peu à peu… Construit comme une saga familiale, et d’après la propre histoire du réalisateur, le film porte un regard humain sur l’évolution du monde agricole de ces 40 dernières années.

    Pierre revient au pays, en conquérant. S’il en est parti, c’est pour mieux y revenir, plus mûr, mieux préparé, renforcé par son séjour dans le Wyoming, où il s’est formé à de nouvelles techniques agricoles. Fort de la promesse de fructueuses moissons futures, Pierre sourit à la vie, tout comme elle lui sourit. D'autant qu'il va se marier avec Claire, qui l'a attendu puisqu'ils ont toujours su qu'ils feraient leur vie d'agriculteurs ensemble…
    Peu de temps après, le jeune couple s’installe dans la belle ferme familiale que le père de Pierre leur cède. Les en voilà presque propriétaires – moyennant un important prêt bancaire, le premier d'une épuisante série –, et Pierre guette, tout en signant l’acte de vente, une forme de reconnaissance dans le regard paternel. Ah ces deux-là ! Leurs cœurs battent à l’unisson mais ils sont trop taiseux pour se le dire. Il faut dire qu'à travers eux, à leur corps défendant, ce sont deux conceptions de la paysannerie qui s’affrontent, deux époques que le progrès a rendu irréconciliables. Mais quel progrès ? Celui qui a transformé les fermiers en « exploitants agricoles », en « entrepreneurs », en « agri-managers » ? On perçoit sous les glissements sémantiques qu’un pan d’humanité a été enterré, l’humus dégradé. Les nouvelles générations, respectant scrupuleusement les prescriptions des politiques agricoles successives, orchestrées par des énarques déconnectés du bon sens terrien, se retrouvent prises au piège des sables mouvants d’un système qui l’a progressivement asservie, rendue dépendante des cours de la bourse, des géants de l’industrie agro-chimique, des indemnités compensatoires…


    Vingt ans plus tard, plus grand monde n’est autonome ni fier de ce qu’il fait, malgré un travail constant et acharné. L'agriculture industrielle a imposé sa loi, sans pitié ni conscience. Le marché, monte le travailleur contre le travailleur : les damnés de la terre, sous la pression, le poids des dettes, finissent par se tromper d’ennemis.
    Et Pierre dans tout ça ? Il est comme presque tous les autres prisonnier du système mais il continue d’y croire, de ne pas baisser les bras, avec le soutien de Claire et de leurs deux enfants. La joie de vivre et de travailler ensemble est toujours là, mais pour combien de temps ?

    À travers cette première fiction épatante (il avait déjà tourné un documentaire sur le même sujet), le réalisateur rend autant hommage à un père, le sien, qu’au monde paysan. Ce monde qui se lève tôt sans en récolter ni gloire, ni fortune. Remarquablement interprété, le film donne envie de creuser le sillon de la solidarité, de se rebeller, de refuser que l’histoire de Pierre ne soit une fatalité qu’on oublie derrière les statistiques : « Tous les deux jours en France, un agriculteur… » On vous laisse compléter la phrase après avoir vu le film…


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  • Florian est de retour. Après son piteux détour par Hollywood, il nous présente ce qu'il faut bien appeler un chef d'oeuvre. Ce film est une totale réussite à tous les niveaux: le scénario, les acteurs au sommet de leur art, les décors, les reconstitutions historiques sont d'une beauté absolue, les dialogues, etc... Avec « L'Œuvre sans auteur », le cinéaste frappe encore plus fort, en mêlant, une fois de plus, la grande et la petite Histoire, les passés familiaux tragiques de Kurt et Ellie et les grands chambardements qui ont secoué l'Allemagne entre les années 1930 et 70.

    scénario: 19/20        acteurs: 19/20     technique: 19/20    note finale: 19/20

    L'oeuvre sans auteur

    À Dresde en 1937, le tout jeune Kurt Barnet visite, grâce à sa tante Elisabeth, l’exposition sur " l’art dégénéré " organisée par le régime nazi. Il découvre alors sa vocation de peintre. 
    Dix ans plus tard en RDA, étudiant aux Beaux-arts, Kurt peine à s'adapter aux diktats du " réalisme socialiste ". Tandis qu'il cherche sa voie et tente d’affirmer son style, il tombe amoureux d'Ellie. Mais Kurt ignore que le père de celle-ci, le professeur Seeband, médecin influent, est lié à lui par un terrible passé.
    Epris d’amour et de liberté, ils décident de passer à l’Ouest… 

    Désormais installés en RFA, Kurt et Ellie tentent de se reconstruire loin de leur famille, tout en découvrant les joies de la liberté à l’Ouest. Accepté dans une prestigieuse école d’art berlinoise où il n’est plus contraint aux diktats du « réalisme socialiste », Kurt s’épanouit et affirme son style jusqu'à en repousser les limites. Mais la pratique de son art fait remonter en lui des souvenirs d’enfance longtemps enfouis qui lui révèlent le terrible passé qui le lie au père d’Ellie, le professeur Seeband.

    Gageons que le bref entracte entre les deux parties du film va être un supplice pour vous comme il le fut pour nous ! Happés par cette saga palpitante qui se déroule sur une trentaine d’années, cette infime pause vous semblera une éternité…

    Élisabeth May ! Une de ces jeunes filles qui pétillent, donnent envie de s’élever dans les airs, de les suivre aveuglément. La terre entière pourrait être à ses pieds, si elle le demandait… enfin, surtout le petit Kurt. Du bas de ses six ans, il la dévore du regard, cette magicienne de bientôt dix huit. Il en a de la chance, d’avoir une telle tante à la maison ! C’est d’ailleurs plus une véritable amie qu’une simple parente. Entre eux règne une belle connivence enamourée, une communion d’esprit étonnante malgré la différence d’âge. Un attachement intellectuel, mais également tendre et charnel. Sans qu’il n’y ait aucun geste déplacé, on devine qu’en se lovant contre la poitrine de la grande, le garçonnet expérimente ses premiers émois sensuels. C’est tout simplement la vie qui frappe à la porte, les ailes du désir qui s’invitent avec fougue et il y a là quelque chose de divinement païen qu’on ne peut abjurer. Pour Élisabeth, tout ce qui peut venir nourrir la curiosité de son neveu, déjà si différent des autres, est sacré. En lui, elle perçoit cette sensibilité extraordinaire, qu’il ne faut surtout pas brimer, qui doit pouvoir exulter, s’exprimer, conduire l’enfant à devenir le grand peintre qu’il sera plus tard, qu’il est déjà à ses yeux. Elle est la première à percevoir en Kurt une richesse intérieure sublime sous ses traits patauds, la forme de génie évident qui l’habite dès qu’il se saisit d’un crayon ou d’un pinceau. Quand elle l’emmène voir l’exposition sur « l’Art dégénéré » organisée par le régime nazi, ce n’est pas, contrairement aux autres visiteurs, pour se moquer des artistes à dénigrer. C’est au contraire pour montrer à Kurt des œuvres qui secouent, qui sont belles même si on ne les comprend pas, surtout peut-être parce qu’on ne les comprend pas, qu’elles nous questionnent.
    Tout autre gosse s’ennuierait… Pour Kurt, c’est le bonheur ! Devant lui s’ouvre un champ de possibles exaltants. Peu importe les commentaires caustiques et dictatoriaux du guide qui inflige à la galerie la façon de penser hitlérienne. On est en 1937, ce ne sont que les prémices de la grande vague qui va balayer l’Europe et en premier lieu l’Allemagne. Propagande annonciatrice de l’épuration qui va gangréner les systèmes de pensée et les êtres. La frêle insouciance de l’enfance ne protègera plus longtemps nos deux damoiseaux.
    Des années plus tard on retrouve Kurt, jeune adulte bientôt amoureux d’Ellie avec laquelle il scellera son destin sans jamais imaginer l’étrange et douloureux lien qui relie son passé à celui de son futur beau-père castrateur. Instinctivement, entre les deux hommes, ce sera une guerre froide larvée, épidermique, inextinguible. Tout autant que la soif de liberté, le fantôme des souvenirs hantera la vie et l’œuvre singulières de Kurt, sans qu’il essaie de l’expliquer…

    L’œuvre sans auteur, c’est une passionnante pérégrination d’Est en Ouest, une relecture de l’histoire allemande vue par un enfant du pays. Si le film n’est pas une biographie, il s’inspire largement de la vie et du parcours du peintre Gerhard Richter et soulève avec légèreté des questions philosophiques, notamment sur l’utilité de l’art dans nos vies. Outre l’interprétation impeccable des acteurs, on notera le travail remarquable de recherche historique et artistique qui a conduit jusqu’à reconstituer entièrement et en détail la célèbre exposition sur « l’Art dégénéré » et ses tableaux presque tous détruits alors… Rien que cela rend ce film tout aussi vivifiant que glaçant, presque incontournable.

     


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  •  Ce film est un petit bijou que je vous recommande. Raph Fiennes joue le discret et placide mentor de Noureev, qu’incarne avec brio Oleg Ivenko, danseur classique professionnel, dont c’est le premier rôle de cinéma. Sa performance, comme sa ressemblance avec son modèle, étonne. D’une grâce agile et magnétique.Bien joué, bien filmé, les décors et les costumes sont parfaits. L'image est magnifique.

    scénario: 18/20    technique: 19/20     acteurs: 18/20   note finale: 18/20

    Nooreev

    Jeune prodige du célèbre ballet du Kirov, Rudolf Noureev est à Paris en juin 1961 pour se produire sur la scène de l'Opéra. Fasciné par les folles nuits parisiennes et par la vie artistique et culturelle de la capitale, il se lie d'amitié avec Clara Saint, jeune femme introduite dans les milieux huppés. Mais les hommes du KGB chargés de le surveiller ne voient pas d'un bon œil ses fréquentations "occidentales" et le rappellent à l'ordre. Confronté à un terrible dilemme, Noureev devra faire un choix irrévocable, qui va bouleverser sa vie à jamais. Mais qui va le faire entrer dans l’Histoire.

    S'il est un personnage romanesque, c'est bien Rudolf Noureev : un danseur d'exception, une étoile filante qui influença d'une façon phénoménale la danse masculine, perturba radicalement les codes du ballet, fascina des générations d'amateurs et continue aujourd'hui encore à inspirer nombre d'artistes. En plus il était beau : « Du fauve il avait le regard brûlant et le mouvement aussi » dira de lui Christine Okrent pour annoncer sa disparition en pleine gloire en 1993… âgé d'à peine 54 ans.
    Le film ne dit pas toute sa vie, mais ses débuts à Leningrad (Saint-Pétersbourg), sa rencontre avec Alexandre Pushkin, professeur de danse respectueux et respecté qui joua un rôle déterminant dans l'évolution du jeune prodige jusqu'au moment où sa vie bascule radicalement…
    Son père, commissaire politique de l'Armée rouge, avait disparu alors qu'il avait trois ans, laissant sa famille dans une précarité qui lui laissa durablement un insatiable appétit de richesse et de reconnaissance. Il avait une énergie folle, en réaction, peut-être, à un complexe d'infériorité chronique. Pauvre, venu tardivement à la danse, il avait le sentiment qu'il devait « faire tenir six années en trois » pour rattraper son retard. Ralph Fiennes a toujours été fasciné par le personnage, fasciné aussi par la Russie dont il parle la langue et s'il prend grand soin à reproduire scrupuleusement le contexte, il se donne à lui-même le rôle d'Alexandre Pushkin, prof dont la bienveillante tolérance a compté dans l'affirmation du talent de Noureev.

    1961, nous sommes en pleine guerre froide. C'est à contre cœur que la Russie soviétique autorise Noureev à sortir de ses frontières pour se produire à l'Opéra de Paris avec le ballet du Mariinsky, encadré de près par le KGB complètement dépassé. « Il n'entend rien à la politique » avait dit son directeur de troupe pour rassurer les autorités, échaudées par les insoumissions et les frasques de ce danseur fantasque.
    Mais à peine la représentation terminée, Noureev échappe à cette surveillance trop visible, pour le simple plaisir de flâner en toute liberté dans Paris ou faire la fête avec les danseurs français… Probable qu'il n'avait rien calculé à l'avance, dit Fiennes : « les Soviétiques, en lui mettant la pression, l'ont poussé à faire le choix de rester en France ». En arrivant à Paris, lui qui n'a connu que l'univers gris de la pauvreté, est instantanément fasciné par la ville, sa liberté festive, cette foultitude d'amis avec qui il peut s'exprimer en toute sincérité, sans contrainte…
    Au moment du voyage de retour vers la mère patrie, alors même qu'il s'apprête à embarquer dans l'avion, il fait volte face, se précipite vers deux gendarmes à qui il demande protection et supplie la France de le garder, soutenu par ses nouveaux amis…

    On imagine qu'il n'a pas été commode de parvenir à trouver le comédien capable d'exprimer l'incandescence du tempérament de Noureev. C'est finalement dans la troupe nationale du Tatarstan que Fiennes, après de longs mois de recherche, a fini par dénicher Oleg Ivenko, danseur lui même, n'ayant jamais joué la comédie, mais étonnant de ressemblance physique avec son modèle… « Restait à être spontané et à s'investir émotionnellement »… dit encore Fiennes. C'est ce que réussit Oleg Invenko, avec une classe et une fougue emballantes… et un talent de danseur époustouflant – les scènes de danse ne sont pas très nombreuses dans le film mais elles sont exaltantes.


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  •  Ce film est un petit bijou! Plein d'humour et de tendresse, il plaira aux petits comme aux grands. Une heureuse surprise. A travers cette comédie sociale, la réalisatrice, dont les grands-parents étaient eux-mêmes éleveurs de vaches laitières, met en lumière les difficultés du monde agricole, à l’instar des récents films "Normandie nue" et "Petit paysan". Guillaume de Tonquédec est irrésistible en fermier au bord de la faillite qui lit des textes classiques à toute la basse-cour. Les poules du film sont fantastiques... Un pur bijou d'originalité et d'émotion. La poule Roxane est fantastique! Il paraît que c'est un premier film. J'attends le suivant de cette merveilleuse réalisatrice avec impatience.

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20   technique: 18/20   note finale: 18/20

    Roxane

    Toujours accompagné de sa fidèle poule Roxane, Raymond, petit producteur d’œufs bio en centre Bretagne a un secret bien gardé pour rendre ses poules heureuses : leur déclamer les tirades de Cyrano de Bergerac. Mais face à la pression et aux prix imbattables des grands concurrents industriels, sa petite exploitation est menacée. Il va avoir une idée aussi folle qu'incroyable pour tenter de sauver sa ferme, sa famille et son couple : faire le buzz sur Internet.


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  • Une pure merveille sur l'absurdité des hommes. Un palestinien et une israélienne sortent ensemble et à cause de cela les évènements vont s'enchaîner de façon dramatique. Subtil et profond, le film nous livre une magistrale analyse du dévoiement politique tant israëlien que palestinien. Tout a commencé par un baiser, tout se termine en foutoir et c’est absolument captivant.Quand la paranoïa et la jalousie rendent fous!

    scénario: 18/20   technique: 18/20   acteurs: 18/20  note finale: 18/20

    The reports on Sarah and Salem

    Sur fond de conflit politique, une jeune israélienne, Sarah, et un jeune palestinien Saleem, s'éprennent l'un de l'autre. Leur aventure déclenche un jeu dangereux de duperie entre ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui ne le détiennent pas.

    Comment une simple liaison, fut-elle extra-conjugale, peut-elle se transformer en affaire d’état ? The Reports on Sarah and Saleem va vous le faire découvrir. Véritable aventure kafkaïenne, ce thriller amoureux regorge de rebondissements. S’il ne court pas après l’analyse politique, elle le rattrape en filigrane et donnera à ceux qui en sont friands plusieurs niveaux de lecture. C’est donc un film passionnant et rondement mené qui attend ses spectateurs au tournant, ne les laissant guère respirer en toute sérénité. Tout comme ses habitants, nous voici prisonniers de l’haleine étouffante d’une Jérusalem bicéphale, dans laquelle les frontières sociales élèvent entre les individus un mur invisible honteux aussi puissant que celui érigé entre Israël et Palestine. Ici tout transpire une sorte d’apartheid larvé, endémique, entretenu par les autorités mais également par certaines classes de la population. Ici chacun compose avec la chape qui pèse sur ses épaules, alourdie par le poids de certaines familles traditionalistes, qu’elles soient juives ou arabes. Se rencontrer, aimer une personne du bord opposé se fait de façon secrète, dans la crainte constante (et un brin excitante) d’être dévoilé, rejeté, bafoué.


    Ce jour-là, quand on assiste à une arrestation, le pain quotidien des Palestiniens, on est loin de se douter des tenants et des aboutissants de l’affaire. Comme toujours, nul ne sait si elle est légitime, si on gardera longtemps l’homme en cage, si les motifs officiels correspondront à une réalité. Entre check points, ségrégation, magouilles, menaces, la paranoïa s’est enracinée dans la ville dite sainte. Tout prisonnier devient un symbole, un résistant, un héros… Pourtant si on savait d’emblée ce qui a conduit Saleem dans cette galère, on se garderait d’en faire un plat et on étoufferait le scandale dans l’œuf.
    Flash back… Saleem est un modeste chauffeur livreur, fauché comme les blés. Pas grand chose qui puisse le rendre fier de sa vie. Aucun métier lucratif qui lui permette d’assumer la charge de son épouse et d’une future ribambelle de mioches. C’est pas que l’amour ou la tendresse s’étiole entre les deux, mais le manque d’autonomie, de perspectives est un monstre larvé qui ronge de l’intérieur… À force de subir sa vie plutôt que de la vivre, on rêve d’évasion, d’espace à soi où respirer à plein poumons.
    Sarah, elle, est du bon côté de la barrière, celle des gens aisés, cultivés, la classe moyenne mais néanmoins dominante israélienne. Si elle travaille dans une boulangerie, cela semble plutôt pour tromper son ennui, fuir une routine vide de sens, oublier l’absence d’un mari policier plus affairé à servir de nébuleux intérêts supérieurs qu’à entretenir la vitalité de son foyer.
    Sarah et Saleem n’avaient rien pour se rencontrer… Pourtant ils se rencontrèrent… Étreintes torrides à l’arrière d’une fourgonnette, au beau milieu d’un parking isolé et un brin sordide. Une relation adultérine des plus banales pimentée par la saveur de l’interdit, d’autant plus goûteuse que ces deux-là font partie de deux mondes que tout oppose. Et ce dernier point, associé à de malheureux concours de circonstances, va faire basculer de simples rendez-vous charnels en liaisons dangereuses…

    Il faudrait encore parler de la douce femme de Saleem, personnage qui va se densifier au fil d’un film qui ne sombre jamais dans le simplisme… Le choix des actrices est remarquable et témoigne d’une aventure collective courageuse. Produire un film palestinien en territoire hostile est une belle gageure – le pays n’a réussi à en produire qu'une trentaine dans toute son histoire. Chapeau bas à l’équipe et particulièrement à la comédienne Sivane Kretchner, qui incarne Sarah, vilipendée en Israël pour avoir interprété au théâtre le rôle de Rachel Corrie, une militante américaine pro-palestinienne, tuée en 2003 par l’armée israélienne (à laquelle Simone Bitton a consacré son très beau documentaire Rachel en 2009).


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  • Ce film est une pure merveille où tout est réussi: le scénario, les dialogues, les décors, les costumes. les acteurs sont au commet de leur art et c'est divinement filmé. James Kent est un grand réalisateur! Keira Knightley vibre dans Cœurs ennemis de James Kent. Il y avait longtemps que la comédienne n’avait pas été aussi bouleversante que dans le rôle de cette Anglaise attirée par un Allemand à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un vrai mélo, dans la grande tradition du genre, dont les résonances troubles font écho à la situation historique où évoluent les personnages, et que porte une Keira Knightley qu’on dirait sortie d’un film de Douglas Sirk. Une adaptation bouleversante du best-seller de Rhidian Brook, qui ne masque ni la douleur ni la cruauté des personnages. Au-delà de la romance élégante et classique, ce film aborde intelligemment la dénazification dans une Allemagne dévastée par la guerre et les ravages sur un couple de la mort d’un enfant.

    scénario: 18/20      acteurs: 19/20   technique: 20/20   note finale: 189/20

    Coeurs ennemis

    Hambourg, 1946. Au sortir de la guerre, Rachel rejoint son mari Lewis, officier anglais en charge de la reconstruction de la ville dévastée. En emménageant dans leur nouvelle demeure, elle découvre qu'ils devront cohabiter avec les anciens propriétaires, un architecte allemand et sa fille. Alors que cette promiscuité forcée avec l'ennemi révolte Rachel, la haine larvée et la méfiance laissent bientôt place chez la jeune femme à un sentiment plus troublant encore.

    Cœurs ennemis, le titre annonce la couleur et le ton de cet ample film romantique et historique qui se déguste comme on dévore un best-seller. C'est d'ailleurs l'adaptation d'un roman à succès, de grande qualité, la preuve : il est publié dans l'excellente collection de poche 10/18. Au programme donc : un contexte historique terrible, deux personnages que tout oppose, appartenant à deux camps ennemis, qui vont se rapprocher au prix d'une lutte intérieure contre leurs préjugés.

    Nous sommes en 1946. La jeune Rachel arrive à Hambourg, totalement dévastée quelques mois auparavant par l'aviation alliée. Elle vient y rejoindre Lewis, son mari, officier supérieur britannique en charge de la reconstruction et de la pacification de la ville, tache titanesque. Comme c'était souvent le cas, le couple est logé dans une maison – splendide, au bord de l'Elbe – réquisitionnée à des Allemands : l'architecte Lubert qui vit là avec sa fille Frida et une domestique. Au grand dam de Rachel, qui goûte peu la fréquentation des ennemis vaincus, Lewis, refusant d'en rajouter dans l'humiliation, a choisi de ne pas expulser les propriétaires, leur proposant une cohabitation.


    On comprend vite que Rachel et Lubert partagent une blessure liée à la perte d'un être cher : elle la mort de son enfant décédé dans les bombardements de Londres, lui celle de sa femme lors de l'offensive des alliés. Et malgré les réticences premières de la jeune femme, c'est sans doute cette blessure commune qui va, sinon provoquer, en tout cas accentuer leur attirance réciproque autant qu'interdite. Lewis, lui, est trop occupé pour remarquer quoi que ce soit…
    L'intrigue est donc on ne peut plus classique mais elle est très bien menée et le film vaut surtout par son ambiance, la qualité de sa reconstitution historique d'une période peu représentée à l'écran, la richesse des personnages et l'excellence du jeu des comédiens. Keira Knightley – rodée aux grands rôles historiques : Orgueil et préjugés, Anna Karénine, The Duchess, Colette tout récemment – incarne avec brio toutes les facettes de cette femme, mère inconsolable, envahie par une inextinguible colère face à la mort de son enfant, épouse aimante mais déçue qui lutte contre un sentiment interdit, maîtresse passionnée et sensuelle. Face à elle, les deux hommes sont également riches en complexité, autant l'acteur australien Jason Clarke en mari solide et profondément bon que le troublant Alexander Skarsgard, qui personnifie à lui seul l’ambiguïté et la souffrance des élites allemandes vaincues et brisées.

    La reconstitution louée plus haut rend bien compte de la dévastation de Hambourg (les bombardements alliés ont fait probablement 100000 morts dans la ville) et du chaos qui a suivi, avec son lot de pénurie alimentaire et de maladies. Quant au scénario, il décrit parfaitement la complexité de la situation. Car évidemment l'Allemagne mit énormément de temps à tourner la page et, face à l'ampleur du chaos et du fort ressentiment envers ceux qui étaient considérés comme les occupants, perdura un reliquat de résistance nazie (ceux qu'on appelait les « werewolf », auteurs d'attentats contre les forces alliées), représentée dans le film par le petit ami de Frida, la fille de Lubert. Le film a ainsi une réelle valeur historique et son récit palpitant fait oublier les réserves que peuvent susciter ses allures de bluette romantique.


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  • Encore une merveille! On reste en haleine jusqu'au bout. "Les Témoins de Lendsdorf" nous rappelle qu’un film, quand il est réussi, est toujours symbolique, qu’il réunit l’image et l’idée, que l’une ne va jamais sans l’autre. Dans les champs ou les salles d’archives, l’investigation en question relève de l’archéologie mémorielle... Mais on est littéralement happé par ce travail austère et dérangeant, d’autant que l’obsessionnelle enquête de Yoel bifurque vers un questionnement identitaire assez inattendu. Et vertigineux. Amichai Greenberg, dont c'est le premier long métrage, fait preuve d'une grande efficacité narrative et d'un vrai sens du rythme. Sa mise en scène séduit, tandis que la complexité de son propos satisfait les cinéphiles les plus exigeants. Le réalisateur israélien Amichai Greenberg adopte la forme du thriller pour mettre en lumière le massacre de Rechnitz, en Autriche, en 1945 et les questionnements d’un historien sur son identité juive. Et c'est une totale réussite.

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20   technique: 18/20    note finale: 18/20

    Les témoins de Lendsdorf

    Yoel est un historien juif orthodoxe, chargé de la conservation des lieux de mémoire liés à la Shoah. Depuis des années, il enquête sur un massacre qui aurait eu lieu dans le village de Lendsdorf en Autriche, au crépuscule de la Seconde Guerre Mondiale. Jusqu’ici patientes et monacales, ses recherches s’accélèrent lorsqu’il se voit assigner un ultimatum : faute de preuves tangibles des faits, le site sera bétonné sous quinzaine…

    Le propre de l'homme, c'est l'oubli…
    Yael est un historien juif orthodoxe qui enquête depuis des années sur une question qui l'obsède : où donc sont enfouies les victimes d'un massacre de Juifs qui a eu lieu à la fin de la seconde guerre mondiale à Lendsdorf, au cœur de l'Autriche ? Ses recherches jusqu'alors solitaires et silencieuses prennent brutalement un coup d'accélérateur à cause de l'ultimatum donné par les responsables d'un projet immobilier qui doit s'implanter sur ce qu'il suppose être l'endroit où sont enterrées les victimes : impossible de geler indéfiniment toute construction. Faute de preuves tangibles du massacre, le site sera bétonné sous quinze jours.

    Yael s'immerge alors plus intensément dans les archives, se rend sur les lieux supposés du carnage, s'acharne à retrouver les témoins encore vivants, les presse de questions… C'est comme un thriller, la quête obsessionnelle et tourmentée d'une vérité qui se dérobe sans cesse : il y a ceux qui ont oublié, ceux qui veulent oublier, ceux qui se taisent et Yael se cogne contre le vide du silence tandis que cette histoire qu'il n'a pas vécue l'affecte au plus profond de lui même, comme s'il avait absolument besoin de savoir pour pouvoir vivre sereinement. « La question de la Shoah est un élément intense et lourd de la vie de la communauté juive , dit Amichaï Greenberg, même aujourd'hui… » Comment et pourquoi cette nécessité de transmettre la mémoire de la Shoah alors même qu'on ne l'a pas vécue ? L'histoire de ceux qui nous ont précédé a-t-elle un si grand rôle sur ce que nous sommes…
    Cette quête que Yael menait, croyait-il, avec des motivations religieuses, culturelles, idéologiques, va pourtant prendre un tour inattendu en le confrontant à l'histoire de sa propre famille, une histoire occultée par sa mère et qui le renvoie tout à coup à sa propre identité. La vérité est-elle toujours bonne à dire, en quoi nous aide-t-elle à vivre ? Cette mise à nu d'une histoire familiale enfouie va avoir des conséquences dans sa relation à ses proches, à son neveu à particulier… L'oubli serait-il parfois un remède à la douleur et le silence une nécessité pour arriver à survivre ? Le véritable mystère qui alimente alors l'intrigue semble être moins celui du lieu où sont enfouis les disparus que les mensonges de sa propre mère.

    The Testament (traduction anglaise du titre original) est inspiré du massacre de Rechnitz en Autriche. Dans ce petit village, 600 Juifs sont condamnés à des travaux forcés. Dans la nuit du 24 au 25 août 1945, peu de temps avant l'arrivée de l'Armée Rouge, une grande fête à laquelle participe la nomenklatura nazie est donnée dans un château voisin du camp des prisonniers. Pendant que la fête bat son plein, les officiers allemands distribuent des armes aux invités qui massacrent alors près de 200 Juifs.
    Ce ne fut pas un cas isolé dans la région, où on achevait les prisonniers trop épuisés pour marcher. Mais dans ce cas précis, on ne retrouvera jamais les corps des victimes, les habitants de Rechnitz s'enfermant dans un mutisme obstiné, scellé au fil du temps par la disparition des témoins.


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  • Un film plein d'humour avec des acteurs formidables! On rit d'un bout à l'autre. Les dialogues sont géniaux.  Une réflexion brillante sur le pouvoir de l’argent.On peut simplement regretter que la fin ne soit pas à la hauteur du film.

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20    technique: 18/20   note finale: 18/20

    La chute de l'empire américain

    À 36 ans, malgré un doctorat en philosophie, Pierre-Paul Daoust est chauffeur pour une compagnie de livraison. Un jour, il est témoin d'un hold-up qui tourne mal, faisant deux morts parmi les gangsters. Il se retrouve seul avec deux énormes sacs de sport bourrés de billets. Des millions de dollars. Le pouvoir irrésistible de l’argent va bousculer ses valeurs altruistes et mettre sur sa route une escort girl envoûtante, un ex-taulard perspicace et un avocat d’affaires roublard. Après Le déclin de l’Empire Américain et les Invasions Barbares, La Chute de l’Empire Américain clôt ainsi la trilogie du réalisateur Denys Arcand.

    Nous faire pouffer de rire sur ce monde désespérant ! C’est une fois de plus le pari réussi par Denys Arcand. Le constat est tout aussi sévère que dans les précédents films de la trilogie officieuse entamée avec Le Déclin de l’empire américain (1986) et Les Invasions barbares (2003). S'il n’est nul besoin d’avoir vu les deux premiers pour apprécier ce nouvel opus, les spectateurs qui les connaissent retrouveront la même veine narquoise sous une forme entièrement renouvelée, qui pioche dans le registre de la comédie et du film noir pour en illustrer le propos de façon toujours plus percutante et dynamique. Un film somme, où l’on retrouve les thèmes de prédilection du réalisateur et son sens du dialogue mis au service de ce qu’il sait faire de mieux : s’en prendre au système.
    L’empire américain décidément dégringole de haut. Bien mal avisés sont ceux qui continuent de penser « Jusqu’ici tout va bien ! » alors qu’il les entraîne avec lui dans sa course folle et que le sol se rapproche inexorablement ! Ce n’est pas en faisant l’autruche qu’on apprend à voler ! Alors mes biens chers sœurs, mes bien chères frères, rigolons ensemble ! Ça au moins, on ne peut pas nous le retirer.
    Pierre-Paul (tiens, il manque Jacques ?) est un spécimen en voie de disparition, un idéaliste de première dans une époque décadente. Il a des airs de troglodyte mal luné malgré son jeune âge. C’est pourtant une tronche, ce gars-là. Des années d’études brillantes pour obtenir un doctorat en philosophie et le voici enfin devenu… chauffeur livreur ! Le même alphabet qui lui permettait de lire Marx, Épicure, Aristote ou Racine… ne lui sert plus qu'à rentrer des adresses sur son GPS. On serait aigri à moins… Quant à ses amours, elles battent de l’aile. Sa copine bosse dans une banque, ce qui fait d’elle une collabo, une social-traitre. Bon, Pierre-Paul est poli et cultivé, il le lui dit donc de façon plus élaborée, mais non moins blessante… Et son amoureuse de lui demander à juste titre : m’aimes-tu donc ? Et lui de ne savoir que répondre. Y’a pas mieux pour briser une relation pourtant sincère.

    Sur ces entrefaites, un événement vient bousculer le cours des choses et l’empêcher irrémédiablement de retrouver ses esprits. Une manne inespérée va lui tomber du ciel, ou plutôt d’un camion : alors qu’il doit livrer un stupide colis pour trois dollars six cents, Pierre-Paul se retrouve à la tête d’un jackpot incroyable qui va tournebouler sa vie et pas que la sienne ! Mais chut ! On ne va pas tout vous dire, n’est-ce pas ? Voilà en tout cas notre olibrius dans une situation inextricable qu’il ne peut résoudre seul. Dès lors il devra entraîner dans son son sillage de drôles de zigotos : une prostituée de luxe, un gangster sur le retour, un avocat d’affaires, un kiné asiatique, un voleur à la tire noir et, tant qu’y être, sa désormais « ex », la banquière. Tout un aréopage improbable, des bras cassés unis pour réussir le coup du siècle ! Tandis que la police, rongeant son frein, lui colle aux fesses, Pierre-Paul (toujours sans Jacques !) louvoie entre ses activités salariées et bénévoles pour l’équivalent québecois des « compagnons d’Emmaüs ». L’occasion de faire un arrêt image sur ces beaux portraits de SDF, femmes, hommes, natifs d’ici ou d’ailleurs. Notre damoiseau a le cœur aussi grand que tous ceux qui luttent avec ou sans culottes, avec gilets jaunes ou sans chemises. Un cœur plus généreux que les possédants, les dirigeants… Dans le fond, l’injustice et la misère seront toujours plus puantes que l’odeur de l’argent sale, nous dit cette parabole contemporaine grinçante, haute en cynisme, mais fichtrement drôle.


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