• Un divan à Tunis

     Ce film est une pure merveille!! Tout est réussi: le jeu des acteurs, le scénario, la techniqu. les problèmes de la Tunisie contemporaine sont évoqués avec beaucoup de délicatesse et d'humour. Les dialogues sont particulièrement réussis. Magnifiquement porté par Golshifteh Farahani, dans le rôle d’une psychanalyste, le premier film de Manele Labidi est plein de fraîcheur.

    scénario: 19/20          technique: 19/20      acteurs: 19/20   note finale: 19/20

    Un divan à Tunis

    Après avoir exercé en France, Selma, 35 ans, ouvre son cabinet de psychanalyse dans une banlieue populaire de Tunis. Au lendemain de la Révolution, la demande s'avère importante dans ce pays « schizophrène ». Mais entre ceux qui prennent Freud et sa barbe pour un frère musulman et ceux qui confondent séances tarifées avec "prestations tarifées", les débuts du cabinet sont mouvementés… Alors que Selma commence enfin à trouver ses marques, elle découvre qu'il lui manque une autorisation indispensable pour continuer d'exercer…

    La scène d’introduction – quiproquo autour du célèbre portrait photographique de Sigmund Freud portant la chéchia rouge, le couvre-chef traditionnel tunisien – dit bien d’emblée toute la fantaisie de ce film, et tout l’humour de sa pétillante héroïne, Selma, fraîchement débarquée de Paris pour installer son divan à Tunis ! Car n’en déplaise aux langues de vipères, aux oiseaux de mauvaise augure et autres sceptiques locaux qui jurent par le Saint Coran qu’il n’y a pas besoin de psy dans ce pays, Selma est bien décidée à installer son cabinet de thérapeute sur le toit terrasse de la maison de son oncle. Et y a fort à parier que les Tunisiennes et les Tunisiens, en pleine crise existentielle post-révolution, ont bien des choses à lui dire.



    Car oui, dans cette Tunisie d’après Ben Ali, la parole, muselée pendant des années de dictature, se libère et le pays redevient bavard, dans un élan un peu chaotique où tout se bouscule : les angoisses du passé, la peur de l’avenir, les désirs et les rêves qui peuvent à nouveau se raconter.
    Il y a l’imam à qui l’on reproche de ne pas avoir laissé pousser sa barbe, le boulanger tumultueux qui adore se travestir et aimerait comprendre et assumer cette étrange pratique. Il y le trentenaire « pot de colle » aux allures de gros bébé qui ne veut pas quitter sa maman chérie d’une semelle, et la tourbillonnante Baya qui excelle dans l’art de la mise en plis mais est prise de nausées dès qu’elle pense à sa mère. Il y aussi l’oncle qui dissimule de l’alcool dans des cannettes de coca, habitude prise sous Ben Ali dont il n’arrive pas à se débarrasser. Et la jeune cousine qui rêve de Paris et montre ses seins façon Femen en plein cours d’éducation religieuse… Même le jeune policier se fait un devoir de répéter haut et fort que c’en est fini des décennies de bakchichs et qu’il est temps de retrouver des règles de bonne conduite pour reconstruire la nation.
    Selma va imposer son art et ses manières, même s’il lui faudra aussi faire preuve d’ingéniosité et d’un sens aigu de la négociation quand il s’agira de montrer patte banche aux autorités, pas vraiment ravies de voir une jeune Franco-tunisienne proposer à ses concitoyens de venir s’allonger sur son divan, rideaux fermés !

    Sans jamais tomber dans une vision caricaturale de la psychanalyse, ni dans les clichés exotiques pour parler de la Tunisie, Un divan à Tunis est un délicieux cocktail d’intelligence, de drôlerie et d’émotion qui raconte, l’air de rien, l’état d’un pays entre l’élan de modernité et le poids des traditions, entre les vieux réflexes d’un temps révolu et le besoin de se construire un avenir meilleur. Un pays qui a besoin de parler, de panser ses blessures, de ne rien renier de son histoire mais d’aller de l’avant. Un pays que l’on découvre en pleine ébullition, avec une jeunesse dynamique, un peuple déboussolé qui se cherche pour le meilleur, ayant laissé le pire dans le rétroviseur. Bref, le patient idéal pour commencer une thérapie. Et si la thérapeute a les traits sublimes et le charisme de la belle Golshifteh Farahani, ça promet !
    Il y a dans ce film une joie et une énergie communicatives, un humour que l’on trouve habituellement dans les comédies italiennes des années 60/70 plutôt que dans le cinéma qui nous vient de l’autre côté de la Méditerranée, et c’est très réjouissant ! Une pépite ensoleillée en plein cœur de février.


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