•  Un dessin animé qui plaira aux petits comme aux grands.

    scénario: 18/20  technique: 18/20  note finale: 18/20

    Bébé boss

    C'est toujours un choc de voir ses parents rentrer à la maison avec un bébé dans les bras – surtout quand il porte une cravate, qu’il se balade avec un attaché-case et qu’il a la voix d’un quinquagénaire !

    Si Tim, 7 ans, ne voit pas d’un très bon œil ce «Baby Boss» débarquer chez lui, il découvre qu’il a en réalité affaire à un espion et que lui seul peut l’aider à accomplir sa mission ultra secrète…

    Car Baby Boss se prépare à un affrontement titanesque entre les bébés et…. les toutous, charmants petits chiots qui vont bientôt être vendus pour remplacer les bébés dans le cœur des parents !


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  • Une heureuse surprise. J'avoue que je m'attendais à un gros navet. Et bien pas du tout. Le scénario est très réussi et les actrices sont géniales. Juliette Binoche s'amuse autant que nous.

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20    technique: 18/20    note finale: 18/20

    Telle mère, telle fille

    Inséparables, Avril et sa mère Mado ne peuvent pourtant pas être plus différentes. Avril, 30 ans, est mariée, salariée et organisée à l'inverse de sa mère, éternelle ado insouciante et délurée qui vit aux crochets de sa fille depuis son divorce. Mais quand les deux femmes se retrouvent enceintes en même temps et sous le même toit, le clash est inévitable. Parce que si Mado, en pleine crise de jeunisme, n'est pas prête à être grand-mère, Avril, quant à elle, a bien du mal à imaginer sa mère... mère !


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  •  Unb très beau film sur les ravages de la guerre sur les combattants qui ont survécu et qui essaient tant bien que mal de reprendre leur vie. Les acteurs donnent une épaisseur incroyable à leur personnage. Très réussi.

    scénario: 18/20      technique: 18/20    acteurs: 18/20    note finale: 18/20

    Cessez le feu

    1923. Georges, héros de 14 fuyant son passé, mène depuis quatre ans une vie nomade et aventureuse en Afrique lorsqu'il décide de rentrer en France. Il y retrouve sa mère et son frère Marcel, invalide de guerre muré dans le silence. Peinant à retrouver une place dans cet Après-guerre où la vie a continué sans lui, il fait la rencontre d'Hélène, professeure de langue des signes avec qui il noue une relation tourmentée...

    Cesser le feu. Arrêter la combustion des âmes. Eteindre enfin les tourments qui n’en finissent pas de consumer ceux qui sont revenus de l’enfer des tranchées. Cessez-le-feu : une injonction, un appel au secours qui résonnerait comme un retour à la vie, à la normalité, à la beauté du monde. Cessez-le-feu nous plonge dans cet instant de l’après, quand les bombes ont cessé de pleuvoir, quand on a enterré les morts ou gravé sur les monuments le noms des disparus, quand les plus chanceux ont retrouvé leur maison, leur famille et qu’il faut tourner la page de cette maudite guerre. Premier film du scénariste Emmanuel Courcol (qui a écrit entre autres Welcome pour Philippe Lioret), c’est un voyage au cœur du monde des survivants, quand il faut encore se battre contre les démons et le souvenir de la boue des tranchées.


    Brillant plaidoyer pour la paix, car on imagine bien que l’horreur de la guerre est la même, à des kilomètres ou des siècles de distances, c’est un film à la fois déroutant et touchant qui raconte ce douloureux retour à la vie à travers le portrait de Georges et de son frère Marcel. Construit avec une grande intelligence, avec ce qu’il faut de retours en arrière pour nourrir les personnages, et porté par deux formidables comédiens dont le trop rare Grégory Gadebois, tout en force tendre et mots retenus, Cessez-le-feu nous touche et nous poursuit discrètement… comme les lignes bouleversants de ces lettres de poilus anonymes.
    Ils étaient trois frères partis au combat, tous les trois très vite plongés dans l’enfer des tranchées. Le cadet n’est jamais rentré, est-il mort ? disparu ? ou fou errant sans mémoire ? Marcel, lui, est revenu vivre chez sa mère, mais la parole l’a quitté et il passe ses journées perdu dans monde dont on se doute bien qu’il est peuplé de fantômes et de baïonnettes. Seule la visite d’une jeune femme, Hélène, venue lui enseigner le langage des signes, égaie un peu ses journées.
    Le troisième enfin, Georges, est revenu vivant lui aussi mais il est très vite reparti, sur des terres lointaines et sauvages, en Afrique, comme si la barbarie des combats lui avait soudain imposé un besoin vital et urgent de sentir d’autres visages, d'autres couleurs, d’autres parfums d’humanité.

    Mais un jour, Georges rentre chez lui… La vie a repris son cours, les poilus ne sont plus les héros de la patrie mais des rescapés, meurtris, traumatisés, voire complètement détruits, qui peinent à retrouver leur place au sein des familles, des villages, de la société. Et puis il y a le commerce d’après-guerre, les monuments aux morts, les champs à perte de vue qu’il faut déminer, les cadavres qu’il faut déterrer et identifier… un vrai chantier de Titan.
    Georges veut repartir… sa place n’est plus ici. Mais il y a Marcel, le robuste et doux Marcel qui a peut-être trouvé l’amour sous les traits d’une jeune veuve, et puis il y a la mère… et enfin il y a Hélène. Mais rien ni personne ne peut comprendre la solitude oppressante de ceux qui vivent avec les fantômes de leurs compagnons d’infortune, les gamins partis la fleur au fusil et jamais revenus. Personne ne peut entendre le bruit effrayant des balles qui sifflent et résonnent pour toujours sous les crânes… pourtant, un jour il faut bien que cesse le feu, d’une manière ou d’une autre.


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  •  Un jeune médecin portugais, soldat pendant la guerre coloniale en Angola entre 1971 et 1973, envoie à sa femme des lettres d’amour poétiques, sensuelles et passionnées. Ce jeune homme, en train de devenir écrivain, c’est António Lobo Antunes dont 280 lettres ont été publiées en 2005. Elles sont l’inspiration du film qui en propose une lecture intime et leur donne vie. Magnifique!

    scénario: 18/20    acteurs: 18/20    technique: 18/20   note finale: 18/20

    Lettres de la guerre

    Un jeune médecin portugais, soldat pendant la guerre coloniale en Angola entre 1971 et 1973, envoie à sa femme des lettres d’amour poétiques, sensuelles et passionnées. Ce jeune homme, en train de devenir écrivain, c’est António Lobo Antunes dont 280 lettres ont été publiées en 2005. Elles sont l’inspiration du film qui en propose une lecture intime et leur donne vie.

    « Les lettres de ce livre furent écrites par un homme de vingt-huit ans, dans le cadre intime de sa relation avec sa femme, isolé de tout et de tous durant deux ans de guerre coloniale en Angola, sans qu'il pense qu'elles seraient publiées un jour. Nous n'allons pas décrire ces lettres : chacun les lira à sa manière, assurément différente de la nôtre. Mais quelle qu'en soit l'approche, littéraire, biographique, document de guerre ou histoire d'amour, nous savons qu'elles sont extraordinaires sous tous ces aspects. » (Extrait de la préface écrite par Maria José et Joana Lobo Antunes,filles de l'écrivain)


    Lettres de la guerre est donc une très belle adaptation des écrits autobiographiques d'António Lobo Antunes. S'il est bien évidemment question de guerre dans ce film, il est surtout question d'amour. António Lobo Antunes fut médecin durant la guerre d'Angola au début des années 70 – il était également apprenti écrivain. Ivo Ferreira raconte son expérience de soldat mais aussi son apprentissage d'auteur, et même d'auteur amoureux puisque l'histoire est racontée par les missives enflammées qu'il adresse à sa compagne au Portugal. L'image de Lettres de la guerre est absolument superbe : c'est le regard posé par un étranger sur une beauté exotique décrite dans les lettres de l'auteur comme « excessive ». Ivo Ferreira se sert habilement de cette mise à distance hallucinée (la beauté exaltée de la nature et des hommes érotisés) qui déréalise tan- dis que les lignes lues permettent d'entrer dans la tête et le cœur de l'auteur. Avec autant de lyrisme, mais plus d'intimité que dans ces plans plus grands que la vie : les orages de nuit qui dessinent une silhouette humaine ou ces grands cieux interminables.

    Ferreira donne beaucoup à voir, surtout ce qu'il y a de beau – mais donne à imaginer aussi. La photographie est en noir et blanc et il reste à imaginer le vert omniprésent décrit par la voix-off. Le réalisateur n'élude pourtant pas la dureté du quotidien : entre quelques nouvelles du Benfica (l'un des clubs de football de Lisbonne), on observe les hommes comme des insectes se battant pour leur survie, ou perdant la tête – l'un s'enfuit nu dans la nature, l'autre cherche son briquet comme si sa vie en dépendait. Ce film-poème célèbre la beauté avec panache, mais parvient également à incarner le changement intérieur d'un homme confronté à l'horreur.


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  • Nul à tous les niveaux. Mais qu'est allé faire Scarlett Johanson dans cette galère? Elle a besoin d'argent à ce point? quelqu'un la fait chanter?? On reste consterné par l'histoire, l'absence de scénario, le jeu improbable des acteurs et les cascades qui se succèdent sans queue ni tête. A éviter.

    scénario: 1/20      technique: 2/20    acteurs: 2/20   note finale: 2/20

    Ghost in the shell

    Dans un futur proche, le Major est unique en son genre: humaine sauvée d’un terrible accident, son corps aux capacités cybernétiques lui permet de lutter contre les plus dangereux criminels. Face à une menace d’un nouveau genre qui permet de pirater et de contrôler les esprits, le Major est la seule à pouvoir la combattre. Alors qu’elle s’apprête à affronter ce nouvel ennemi, elle découvre qu’on lui a menti : sa vie n’a pas été sauvée, on la lui a volée. Rien ne l’arrêtera pour comprendre son passé, trouver les responsables et les empêcher de recommencer avec d’autres.


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  •  Un super film. L'actrice qui joue le rôle principal est appelée à une grande carrière.

    scénario: 18/20     acteurs: 18/20    technique: 18/20   note finale: 18/20

    The young lady

    1865, Angleterre rurale. Katherine mène une vie malheureuse d’un mariage sans amour avec un Lord qui a deux fois son âge. Un jour, elle tombe amoureuse d’un jeune palefrenier qui travaille sur les terres de son époux et découvre la passion. Habitée par ce puissant sentiment, Katherine est prête aux plus hautes trahisons pour vivre son amour impossible.

    Il y a comme une chronologie secrète autour de The young lady, une macération du temps qui déboucherait à aujourd’hui et à ce film. De fait, tout commencerait vers 1600 quand Shakespeare écrivit Macbeth, et de ce drame sombre comme un puits en enfer, on retiendra surtout le personnage de Lady Macbeth, femme fatale et reine manipulatrice. Plus tard en 1847, Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë exaltera, au milieu de la lande écossaise, l’amour fou de Catherine Earnshaw pour Heathcliff. Plus tard encore, en 1857, Madame Bovary de Gustave Flaubert fera de son Emma une femme malheureuse enfermée dans les conventions (et qui en mourra). Enfin en 1865, Lady Macbeth du district de Mtsensk de Nikolaï Leskov, dont The young lady est une libre adaptation, semble compiler naturellement ces trois-là et inspirera même un opéra en quatre actes de Dmitri Chostakovitch. On pourrait, pourquoi pas, continuer jusqu’en 1928 avec L’Amant de Lady Chatterley de D. H. Lawrence où une femme, Constance, redécouvre l’amour et le bonheur avec un garde-chasse, un homme extérieur à son milieu...

    The young lady paraît ainsi se nourrir, se gorger de ces femmes tragiquement amoureuses, de cette littérature romantique et noire pour façonner son héroïne, une héroïne nouvelle, inédite : Katherine (comme chez Brontë, tiens donc). Dans le fond et dans sa forme, le film reprend plusieurs points, quelques particularités de chaque roman pour en faire, là aussi, une sorte de mélange, un al- liage parfait : l’amour interdit, la manipulation, le meurtre, le désespoir, la mort, la différence de classe, et la lande tout autour... Nous voyons donc une jeune femme asservie par un patriarcat brutal s’enfoncer de plus en plus dans les ténèbres, non plus par amour et par passion (même si ça pourrait être le cas au début), mais presque par vengeance de ce qu’elle a subit : mariée de force, cloîtrée dans le manoir familial, délaissée par monsieur et réduite au rôle d’épouse obéissante.

    Ses actes sont comme une rébellion nécessaire pour s’affirmer, tenter d’exister face à un mari et un beau-père détestables, rébellion qui deviendra plus radicale, jusqu’à l’impensable. À la fois victime et bourreau, Katherine incarne cette forme d’innocence réduite en morceaux par une société toujours plus oppressive, apte à engendrer ses propres monstres – dont elle sera l’un des spécimens les plus brillants. William Oldroyd (metteur en scène) et Alice Birch (scénariste), tous deux venus du théâtre londonien, se sont habilement emparés du roman de Leskov en décidant de le transposer dans l’Angleterre victorienne. Au cœur d’une nature farouche et d’intérieurs stricts, étouffants malgré leur dépouillement, Oldroyd en magnifie la noirceur, le fiel et la modernité avec une douceur étonnante, sans excès, mais toujours avec piquant. Il révèle également l’étonnante Florence Pugh dont l’intensité et la présence habitent à merveille ce rôle de jeune femme sur le point de s’affranchir de tout, quitte à embrasser le Mal.


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  •  L’auteur des "Bienveillantes" consacre un documentaire vertigineux aux enfants-soldats d’Ouganda. Un très beau documentaire malgré certaines longueurs.

    scénario: 18/20     technique: 18/20     note finale: 16/20

    Wrong elements

    Ouganda 1989. Un jeune insurgé acholi guidé par des esprits, Joseph Kony, forme un nouveau mouvement rebelle contre le pouvoir central, la LRA, « l’Armée de Résistance du Seigneur ». Une armée qui se développe au fil des années par des enlèvements d’adolescents – plus de 60 000 en 25 ans – dont moins de la moitié sont ressortis vivants du « bush ». Geofrey, Nighty et Mike, un groupe d’amis, ainsi que Lapisa, font partie de ces adolescents, enlevés à l’âge de 12 ou 13 ans. Aujourd’hui ils tentent de se reconstruire, de retrouver une vie normale, et reviennent sur les lieux qui ont marqué leur enfance volée. À la fois victimes et bourreaux, témoins et acteurs d’exactions qui les dépassent, ils sont toujours les “Wrong Elements” que la société a du mal à accepter. Pendant ce temps, l’armée ougandaise traque, dans l’immense forêt centrafricaine, les derniers rebelles LRA dispersés. Mais Joseph Kony, lui, court toujours.

    Dans son roman Les Bienveillantes, Jonathan Littell interrogeait la responsabilité individuelle face au mal à travers le portrait d'un officier nazi. La question hante également le premier documentaire de l'écrivain-journaliste, mais avec une acuité plus terrible encore. Car les « bourreaux » de Wrong elements ont commis leurs exactions quand ils étaient adolescents…
    A partir de 1989, dans l'Ouganda ravagé par la guerre civile, le mouvement rebelle Lord's Resistance Army (l'Armée de la résistance du Seigneur ou LRA) a enlevé plus de 60 000 jeunes pour les transformer en soldats. Dès l'âge de treize ans, Geofrey et Mike ont ainsi reçu l'ordre de piller, de torturer, de tuer. Nighty, elle, a été esclave sexuelle pour les cadres de l'organisation. Après des années de cauchemar, ils ont réussi à fuir et à bénéficier de l'amnistie accordée aux « repentis ».

    Face à la caméra toujours à bonne distance, ils racontent leur tentative de retour à une vie normale : difficile de se réinsérer dans une société dont on a longtemps été l'ennemi, où les familles des morts réclament vengeance… Le réalisateur chronique les retrouvailles des trois amis sur les lieux mêmes de leur passé sanglant. Les herbes hautes ont effacé les traces du quartier général de la LRA, mais Geofrey, Mike et Nighty se souviennent de tout. Alternent les récits terribles et les blagues. Rejouent la guerre dont ils furent les acteurs autant que les victimes. Et redeviennent des enfants…
    Leurs rires, leur appétit de vivre contrastent avec la solitude de Lapisa, une autre « épouse de guerre », aujourd'hui aux portes de la folie. Et avec l'incompréhension de Dominic Ongwen, l'officier supérieur de la LRA dont Littell a pu filmer la reddition, en Janvier 2015. Lui aussi a rendu les armes dans l'espoir d'être amnistié. Mais l'ampleur de ses crimes l'interdit : il est réclamé par le Tribunal Pénal International. Pour Geofrey, le sort réservé à son ancien chef est injuste, car lui aussi a été recruté par la LRA sous la contrainte quand il était gamin…

    Jonathan Littell raconte cette page d'histoire complexe en journaliste, avec des cartons explicatifs pour préciser la chronologie, et quelques images d'archives saisissantes. Mais aussi, et surtout, en cinéaste aux partis pris esthétiques assumés. Les longs plans de la jungle luxuriante sont mis en scène comme des tableaux. La beauté des images, magnifiée par l'utilisation de la musique classique, n'est pas gratuite : elle offre une distance salutaire pour dépasser le simple récit des événements. Et pour prendre conscience de la dimension universelle de la tragédie des enfants-soldats.


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  •  Un documentaire intéressant mais que le montage est laborieux... Le réalisateur va dans tous les sens et on le sent vraiment dépassé par son sujet. Dommage. Intéressant mais 30 minutes de trop.

    scénario: 12/20   technique: 12/20   note finale: 12/20

    l'opéra

    Une saison dans les coulisses de L’Opéra de Paris. Passant de la danse à la musique, tour à tour ironique, léger et cruel, l’Opéra met en scène des passions humaines, et raconte des tranches de vie, au coeur d’une des plus prestigieuses institutions lyriques du monde.

    Scène d’ouverture splendide sur le toit de l’opéra Bastille. On surplombe Paris sous les pâles rayons du soleil qui s’éveille : océan d’immeubles et de monuments encore grisés par la nuit qui s’achève, ciel aux bleus hésitants, volutes de nuages teintés de blancs et de gris luminescents. Deux pompiers, rendus minuscules par ce décor grandiose, s’activent sur une musique magistrale, de toute beauté. L’instant d’après, plongée directe dans un bureau cossu où l’on va assister à un conseil d’administration digne d’un scénario d’opéra bouffe. Pris avec distanciation, les non dits, les manœuvres diplomatiques… deviennent autant de petits clins d’œils comiques et parfois cyniques qui donneront complexité et relief à la suite du récit.


    La tension dramaturgique qui s’ensuit n’a rien à envier à une tragédie grecque ! Mais où sont donc cachés ceux qui vivent d’amour et d’eau fraîche, de passion musicale dans cette honorable maison ? Où sont passés les cantatrices (chauves ou pas), les grands musiciens, les petits rats de l’opéra et leurs entrechats ? Ne vous inquiétez pas : eux aussi sont-là ! Ainsi qu’un Benjamin Millepied et mille autres petites voix… Seulement Jean-Stéphane Bron ne limite pas le champ de sa caméra à un cadre conventionnel. Son documentaire n’est pas le fruit d’un regard spécialisé dans les arts lyriques mais celui d’un curieux amusé, lucide et gourmand. Il croque sur le vif un tableau surprenant, inattendu et accessible même aux plus profanes d’entre nous. Il filme avec autant de bonheur et d’intensité les personnes qui effectuent les tâches ingrates (mais ô combien essentielles) que celles qui tiennent le haut du plateau. Il se faufile dans les coulisses, s’intéresse tout aussi bien à ceux qui tiennent une serpillière qu’à ceux qui tiennent les cordons de la bourse. Et surtout il n’aborde pas la vieille dame tricentenaire religieusement, avec des pincettes. Loin de limiter son investigation au seul paraître, il survole vite fait ses fards et ses paillettes pour aller mieux farfouiller sous ses jupons (le petit fripon !). On ne s’extasie peut-être pas des heures sur la beauté d’une œuvre mais on n’en ressort pas moins nourris, touchés par la douleur d’une danseuse après sa prestation, réjouis par le bonheur communicatif d’un jeune baryton qui réussit son audition, oppressés par le trac des vedettes ou par la tension qui règne autour du plateau…

    Pom pom pom pom ! Voilà l’orchestre qui arrive au grand complet. Puis les chœurs de chanteurs qui vocalisent ou de syndicalistes qui revendiquent, tandis qu’au dehors, dans la rue, gronde la colère des intermittents. L’opéra de Paris c’est comme le condensé d’une planète mystérieuse, si lointaine et si proche de la nôtre, peuplée par le ballet incessant de petites mains humbles qui s’affairent sous le regard indifférent des puissants de notre monde. Ici la classe ouvrière côtoie de si près les classes dirigeantes, l’oligarchie, que ça donne le tournis quand on y songe. Ces techniciens, ces balayeurs, ces coiffeuses, ces costumières, ces régisseuses… virtuoses de l’ombre, peu reconnus, mais souvent tout aussi impliqués et passionnés que les artistes eux-mêmes. On les découvre attentifs, stressés, dévoués, émouvants, drôles, parcourus par des rires nerveux… Personnages hauts en couleurs, arrogants ou effacés, généreux ou mesquins, subtils ou caricaturaux… multiples. Ici le beau côtoie le laid, le grotesque flirte avec la délicatesse, la mesquinerie avec la générosité… Mais tous finissent par œuvrer à l’unisson dans un même élan pour atteindre la perfection à chaque levée du rideau.

    Si le film reste de bout en bout envoûtant, une de ses plus belles scènes le film est peut-être celle où la caméra saisit au vol le regard d’une femme de ménage noire dont les pas croisent ceux d’un groupe de très jeunes musiciens, tout aussi noirs qu’elle. Un regard complexe, magnifique qui dit tout : l’étonnement, la fierté, l’espoir que les temps changent enfin ! Au final le rideau se referme sur un très bel hymne à l’humanité, aux petits, aux obscurs, aux sans-grades dont on ressort envoûté.


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  •  La révélation de ce film c'est Ary Abittan qui donne toute la mesure de ce talent dans ce rôle de Rom squateur. C'est très amusant et on rit beaucoup. ce film se moque aussi du cynisme des politiques. Un film d'actualité!

    A bras ouverts

    Figure de la scène littéraire et médiatique française, Jean-Etienne Fougerole est un intellectuel humaniste marié à une riche héritière déconnectée des réalités. Alors que Fougerole fait la promotion dans un débat télévisé de son nouveau roman « A bras ouverts », invitant les plus aisés à accueillir chez eux les personnes dans le besoin, son opposant le met au défi d'appliquer ce qu'il préconise dans son ouvrage. Coincé et piqué au vif, Fougerole prend au mot son adversaire et accepte le challenge pour ne pas perdre la face. Mais dès le soir-même, on sonne à la porte de sa somptueuse maison de Marnes-la-coquette… Les convictions des Fougerole vont être mises à rude épreuve !


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  • Ce film captivant évoque le destin singulier de Seretse Khama et Ruth Williams, dont l’union mixte mit en émoi l’Empire britannique avant de donner naissance au Botswana. C'est une totale réussite. Le cinéma comme je l'aime: un bon scénario, des acteurs magnifiques, bien filmé et on apprend des trucs.

    scénario: 19/20      acteurs: 19/20     technique: 19/20    note finale: 19/20

    A United Kingdom

    En 1947, Seretse Khama, jeune Roi du Botswana et Ruth Williams, une londonienne de 24 ans, tombent éperdument amoureux l’un de l’autre. Tout s’oppose à leur union : leurs différences, leur famille et les lois anglaises et sud-africaines. Mais Seretse et Ruth vont défier les ditkats de l’apartheid. En surmontant tous les obstacles, leur amour a changé leur pays et inspiré le monde.

    Voilà une page d’histoire dont le récit, édifiant, méritait bien qu’on y consacre un film. On doit cet accomplissement à la Britannique Amma Asante, qui avait déjà signé A Way of Life en 2004 et Belle en 2013. Son nouveau long métrage, A United Kingdom (littéralement« Un Royaume-Uni »), évoque l’histoire vraie de Seretse Khama et Ruth Williams.

    Un prince noir et une secrétaire blanche

    Le premier était noir, prince héritier d’un territoire situé au nord de l’Afrique du Sud, le Bechuanaland, placé sous protectorat britannique depuis 1885, et qui deviendrait en 1966 le Botswana indépendant. La seconde était blanche, fille d’un couple de la classe moyenne londonienne et jeune secrétaire juridique.

    Elle allait devenir l’épouse du futur roi, envers et contre tous : ses parents, la famille de son mari, l’époque. Et surtout les services diplomatiques de l’Empire britannique, qui n’entendaient pas fâcher l’Afrique du Sud voisine, en pleine instauration de l’apartheid mais dont les ressources en uranium s’avéraient précieuses au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

    Un couple singulier qui tint bon contre l’Empire britannique

    La réalisatrice s’empare de cet épisode singulier – qui fit les beaux jours de la presse britannique –, en dosant subtilement les ingrédients du mélodrame et du drame historique, sur fond de domination coloniale et de lutte politique. Le résultat est aussi séduisant que captivant, tant ce couple courageux eut d’embûches placées sur sa route.

    Jeune homme brillant envoyé en Grande-Bretagne par son oncle régent, afin d’y recevoir la meilleure éducation, Seretse Khama fut sommé de choisir entre cette femme blanche et son royaume. Ils tinrent bon, essuyant haine et humiliation, manœuvres et trahisons, avant que leur détermination et leur droiture imposent leur force. Le futur roi fut banni de son pays tandis que son épouse y donnait naissance à leur premier enfant. Après lui avoir promis le rétablissement de ses droits, Winston Churchill tenta de l’exclure définitivement du jeu.

    Rien n’y fit. Leader charismatique et intelligent, Seretse Khama prit l’Empire à son propre jeu, renonça à son statut de monarque pour mieux faire de son pays une démocratie, dont il devint le premier président élu et dont il géra, pour le bien commun, les ressources issues des mines de diamant. À tel point que le Botswana fut surnommé la Suisse de l’Afrique. Et que le grand Nelson Mandela se référait encore à son leader, en 2000, vingt ans après sa mort.


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  •  Une merveille! Bien sûr, on peut regretter quelques facilités de mise en  scène (la mourrante quis e souvient n'est pas à la hauteur du reste du film. C'est tellement vu) mais les acteurs sont au sommet de leur art. J'espère que Marina Vacth aura un prix.

    scénario: 18/20      technique: 18/20    acteurs: 18/20     note finale: 17/20

    La confession

    Sous l’Occupation allemande, dans une petite ville française, l’arrivée d’un nouveau prêtre suscite l’intérêt de toutes les femmes... Barny, jeune femme communiste et athée, ne saurait cependant être plus indifférente. Poussée par la curiosité, la jeune sceptique se rend à l’église dans le but de défier cet abbé : Léon Morin. Habituellement si sûre d’elle, Barny va pourtant être déstabilisée par ce jeune prêtre, aussi séduisant qu’intelligent. Intriguée, elle se prend au jeu de leurs échanges, au point de remettre en question ses certitudes les plus profondes. Barny ne succomberait-elle pas au charme du jeune prêtre ?

    « S'il me manque l'amour, je ne suis rien », dit Léon Morin du haut de sa chaire… et le film parle de l'appel à la transcendance certes, mais aussi de cette force invisible qui attire deux êtres l'un vers l'autre. Une force d'autant plus puissante qu'ici les interdits liés à un idéal fort obligent chacun à résister à une attraction qui se trouve ainsi portée à un niveau d'incandescence qui les marquera à jamais.
    Dans ce petit village de la province française sous occupation allemande, les hommes sont prisonniers ou ont pris le maquis et les femmes se retrouvent entre elles et continuent à vivre, remplaçant les hommes partout où ils s'activaient : les commerces, les bureaux, les champs… Dans le microcosme de la poste, se retrouvent chaque jour une brochette de filles sous la houlette d'une chef sévère mais sympa. Il y a de la chaleur dans leurs relations formidablement humaines, mélange d'affect, de jalousie, de solidarité : les unes flirtent avec l'occupant, apportent des gourmandises au bureau, les autres soutiennent les résistants, retiennent certaines lettres méchantes… Collées les unes aux autres, elles percutent les moindres états d'âme à demi mot, n'ignorent rien des positions de chacune. Parmi elles Barny fait figure d'idéaliste intransigeante. Fille superbe au regard intense, profondément accrochée à un idéal communiste pur jus, elle vit seule avec sa fille, espérant le retour de son homme.


    Quand un nouveau prêtre déboule dans le village, toutes ces femmes privées de leur époux, leur amant, sont en émoi. C'est qu'il est beau, Léon Morin, et d'autant plus troublant que son rôle le rend inaccessible. Il est habité par une foi sincère mais aussi par un profond humanisme qui l'ouvre aux autres. Sa religion n'est ni étriquée ni sectaire, il écoute et comprend, trouvant toujours le petit trait d'humour, le mot qui fait mouche. D'une solide culture, il donne à toutes ces dames des lectures qui les font cogiter et dont elles parlent constamment au boulot.
    De quoi agacer Barny qui est la seule à se déclarer athée, qui ne comprend pas cet engouement, irritée par ce prêtre qui ne se démonte jamais et trouve toujours la faille, la phrase juste énoncée d'une voix chaude. Celui qui croyait en Dieu, celle qui n'y croyait pas… Barny va provoquer la rencontre, ou plutôt la confrontation : tous deux sont habités par cette forme de lumière qui caractérise ceux qui se projettent dans une transcendance. Elle est intelligente, passionnée et belle, elle va chercher à comprendre, il va lui donner les arguments de son engagement et sa vision de la vie et des êtres. L'échange est profond, troublant : s'interdisant la fusion des corps, c'est celle des esprits qui ne cesse de croître, laissant dans les cœurs une empreinte indélébile et magnifiée.

    On se souvient que Léon Morin prêtre a d'abord été un roman superbe qui a reçu le prix Goncourt en 1952, on se souvient du film de Melville avec Belmondo et Emmanuelle Riva qui vient de disparaître, il y a eu d'autres adaptations… Nicolas Boukhrief en fait une interprétation libre, personnelle et moderne qui rentre fortement en résonance avec l'air du temps et questionne la nature humaine, le désir et le manque, le besoin d'idéal, les frémissements de l'âme, la perspective du néant… le tout dans un contexte exceptionnel de guerre qui bouscule les lignes, force les êtres et les révèle, intensifie leur vie en les confrontant à la mort, à ce désir qui leur donne raison d'exister.
    Romain Duris semble l'incarnation même de Léon Morin et sa relation avec Marine Vacth (découverte dans Jeune et jolie d'Ozon) est riche et intense… mais autour de ces deux premiers rôles magnifiques, il y a toute la bande de la poste (Anne le Ny en tête) qui contribue à enrichir constamment le film de récits croisés, de caractères forts, d'échanges passionnants et subtils, et puis il y a l'humour, celui de Léon Morin qui permet la distance : « Parce que la spiritualité rend joyeux. La vraie croyance, l'humanisme, rend heureux. Regardez les moines bouddhistes !… C'est le doute qui rend sombre » dit Nicolas Boukhrief.


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  •  Un super film porté par deux actrices formidables. Plein de tendresse et d'humanité. A voir;

    scénario: 18/20       acteurs: 18/20   technique: 18/20   note finale: 18/20

    Sage femme

    Claire est la droiture même. Sage-femme, elle a voué sa vie aux autres. Déjà préoccupée par la fermeture prochaine de sa maternité, elle voit sa vie bouleversée par le retour de Béatrice, ancienne maîtresse de son père disparu, femme fantasque et égoïste, son exacte opposée.

    C'est un film ample et magique qui orchestre la rencontre à l'écran de deux fabuleuses actrices. Frot et Deneuve, les deux grandes Catherine, dont les carrières semblaient ne jamais vouloir se croiser. Leur duo dans Sage femme irradie d'une complicité contagieuse, à la fois subtile et intense. Émouvantes sans pathos, comiques sans surjouer, on se délecte de les voir glisser, telles des funambules virtuoses, sur un fil ténu qui oscille au dessus du grotesque ou du drame, sans jamais sombrer dans l'un ni dans l'autre. Quant à Olivier Gourmet, en camionneur solide, sorte d'ange gardien païen, humble et perspicace, il est tout simplement divin !
    Avoir réuni tout ce petit monde à l'écran, savoir lui donner vie, n'est pas le moindre talent de Martin Provost (le réalisateur de Séraphine). L'intrigue est là, prenante. Elle brode en filigrane un pamphlet percutant pour une société plus juste où la finance ne prendrait pas le pas sur l'humain. C'est d'une beauté simple et saisissante comme tous ces petits riens de l'existence qu'on oublie trop souvent d'admirer et qui s'accumulent pêle-mêle devant nos sens engourdis.


    Les reflets sur l'asphalte mouillée après la pluie, les murmures de la nature, la sensualité d'une main qui s'avance, timide, la patience des graines, le premier frisson d'un nourrisson : son premier cri, sa première larme, son premier sourire. De tout cela, sans bêtifier, Claire (Catherine Frot), sage-femme de son état, ne se lasse pas. Pourtant, il y aurait de quoi ! Oh ! combien de vagins, combien de fontanelles elle aura vu passer entre ses mains expertes en trente ans de carrière ! Des bébés de toutes les couleurs, des pour lesquels tout paraît d'emblée facile, d'autres dont la première bouffée d'air semble moins insouciante, plus amère. Des mères parfois battantes, radieuses, parfois effrayées… Même rituels toujours renouvelés… Pourtant aucune lassitude dans les gestes précis de Claire et de ses consœurs, leurs expressions sont plus éloquentes qu'un long discours. Malgré les gémissements, la sueur et le sang, chaque nouvelle mise au monde reste aussi grisante et précieuse que la toute première fois.
    Et c'est vidée de toute énergie, après ses heures de garde, que notre sage-femme s'en retourne vers sa cage d'immeuble en banlieue pour s'endormir, alors qu'au loin, Paris s'éveille. Une vie de célibataire réduite à peu de choses à côté d'un métier si prenant. Cultiver son jardin (un petit lopin ouvrier), regarder les salades et son grand fils (étudiant en médecine) pousser… Et surtout respirer, pédaler au grand air, se ressourcer pour pouvoir encore donner le meilleur aux prochaines parturientes qui ne manqueront pas de venir frapper à la porte du service public.
    C'est un coup de téléphone qui va venir briser l'apparente quiétude de Claire, une voix surgie de son adolescence, et qui la propulse des décennies en arrière. Cette voix au bout du fil, celle de Béatrice (Catherine Deneuve), l'ancienne amante de son père défunt, est comme une claque qui résonne, synonyme d'un impossible pardon… Claire raccroche aussi sec. Mais Béatrice insiste…

    L'espace d'un premier rendez-vous, voilà deux antithèses réunies : l'une, telle la fourmi, sérieuse, méticuleuse, responsable ; l'autre, telle la cigale, hâbleuse, joueuse, rêveuse. L'une s'oubliant pour les autres, l'autre ne vivant que pour attirer leurs regards, surtout celui des hommes… Entre l'une et l'autre, des choix de vie irréconciliables. Entrevue tendue et explosive entre deux aimants à la polarité opposée.
    Claire, pour oublier l'interlude, se réfugie derechef dans ses plantations, essayant de retrouver le calme… Mais un malheur n'arrivant jamais seul, voilà que le fils d'un vieux voisin malade vient troubler sa solitude… Elle prend des airs renfrognés pour dissuader l'intrus (Olivier Gourmet)…
    Car Claire est bien décidée à ne laisser ni le passé ni le monde extérieur pénétrer dans son intimité. Ce cocon intérieur dans lequel elle se protège, depuis des années, mais où elle oublie peut-être un peu de vivre, il va bien falloir qu'elle en brise un peu la carapace…


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  • Un très beau film sur l'univers impitoyable des grandes entreprises et surtout sur les manipulations dont font l'objet les salariés. Céline Sallette est formidable!!

    scénario: 17/20       acteurs: 18/20   technique: 18/20   note finale: 17/20

    Corporate

    Emilie Tesson-Hansen est une jeune et brillante responsable des Ressources Humaines, une « killeuse ». Suite à un drame dans son entreprise, une enquête est ouverte. Elle se retrouve en première ligne. Elle doit faire face à la pression de l’inspectrice du travail, mais aussi à sa hiérarchie qui menace de se retourner contre elle. Emilie est bien décidée à sauver sa peau. Jusqu’où restera-t-elle corporate ?

    Elle est grande, élancée, élégante avec ses costards, ses talons, ses jolis chemisiers blancs dont elle n'arrête pas de changer, asséchant ses aisselles pour être toujours impeccable, chassant cette horrible odeur humaine qui pourrait altérer l'image qu'elle se donne de dure performante. Émilie est prête à tout pour grimper les échelons des responsabilités dans une entreprise qu'elle a dans la peau, ambitieuse et sans faille. Elle a un regard magnifique, qu'elle a réussi à dompter, ne laissant rien paraître de ses émotions, battante, terrible, glacée. C'est que, parmi les rouages qui activent cette grosse boite anonyme semblable à plein d'autres, où les dirigeants ne communiquent avec leurs cadres que par Skype, elle occupe un rôle prééminent d'encadrement du personnel, sous la houlette d'un DRH charmeur (Lambert Wilson) qui lui confie les missions délicates, flatte son côté « killeuse » de choc, lui jurant qu'elle est la meilleure, lui demandant toujours davantage.


    Surtout pas de licenciement ! C'est la consigne : ici, on pousse celle ou celui dont on veut se débarrasser au découragement, on lui impose des mutations impossibles à accepter, des objectifs impossibles à atteindre, des consignes contradictoires. Connaître les points faibles, le détail de la vie privée qui permet de manœuvrer jusqu'à ce que la personne harcelée jette l'éponge et parte d'elle-même… Dans des espaces déshumanisés de bureaux vitrés et d'open spaces clean résolument modernes, les salariés sont sur la défensive : être le meilleur, être au top, guetter l'intention cachée, deviner d'où vient le vent… Même les relations qui se tissent autour des espaces de pause ne parviennent pas à dissimuler l'angoisse chronique qui pousse chacun à surveiller l'autre de peur qu'il grignote votre place.
    Le DRH à la voix chaude pilote l'équipe d'encadrement, met la pression, laisse le sale boulot aux autres… et quand se profile une enquête suite au suicide d'un employé poussé à bout, Émilie réalise vite qu'elle risque de passer du rôle de première de la classe à celui de fusible, et que la direction et ses représentants n'auront aucun état d'âme à lui faire porter la responsabilité du problème pour éviter que l'entreprise ne soit éclaboussée, sans qu'aucun des salariés ne viennent à son aide tant elle s'est isolée… Dès lors, il n'y aura pas d'autre solution pour elle : si elle veut sauver sa peau, il va falloir qu'elle y mette les moyens, quitte à jouer sa « carrière », quitte à se montrer plus cynique que les cyniques qui l'ont mise dans cette impasse.

    C'est mené comme un polar, une histoire pleine de suspense qui n'est pas sans faire penser à la série de suicides qui avait frappé France Télécom. « J'avais été particulièrement choqué par le cynisme du PDG d'alors, déclarant qu'il fallait mettre un terme à cette “mode de suicides”… comme si c'étaient ceux qui souffrent qui étaient responsables » dit Nicolas Silhol. La personnalité de l'inspectrice du travail qui mène son enquête, mélange de dureté et d'empathie, colle bien avec son rôle et si elle est inflexible quant à l'application de la règle, elle est pour Émilie la perspective d'un autre choix possible, l'occasion de casser l'armure comme on dit. Si la ligne d'horizon d'Émilie est son intérêt personnel avant tout, sa rage d'être lâchée par ses supérieurs va lui donner l'énergie de renverser la vapeur avec la même détermination qu'elle mettait à accomplir son rôle de tueuse… Rien n'est si simple ici, et c'est bien pour cela que le film passionne : suspense pour suspense, la fiction est d'autant plus prenante qu'elle est solidement ancrée dans la réalité.


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