• Sharqiya

     Un très très très beau film israélien. L'histoire de ce jeune bédouin est touchante et pleine d'espoir.

    scénario: 17/20          technique: 16/20     acteurs: 17/20   note finale: 17/20

    Sharqiya

    Kamel, un jeune Bédouin, travaille comme agent de sécurité à la gare routière de Be'er Sheva. Il habite dans un petit village illégal, perdu au beau milieu du désert.
    Son frère Khaled, chef du village, travaille dans la construction et est marié à Nadia, 21 ans. La relation entre les deux frères est compliquée, Khaled n’approuvant pas le métier de Kamel. Un jour, en rentrant chez lui, Kamel apprend que les autorités ont ordonné la démolition du village. Dès le lendemain, Khaled quitte son emploi et décide de rester au village, pour repousser les autorités qui tenteraient de les déloger. Kamel, quant à lui, continue d'aller à son travail...

    Sharqiya en arabe, c’est ce vent venu de l’Est, mauvais et dangereux, qui balaye le désert du Neguev au Sud d’Israël. Un vent qui complique l'existence déjà pas simple des Bédouins qui vivent sur ce territoire. Des Bédouins qui sont très souvent israéliens depuis bien plus longtemps que certains de leurs voisins juifs mais qui sont pourtant traités comme des citoyens de seconde zone, tout en étant ignorés des mobilisations internationales contrairement à leurs frères palestiniens de Cisjordanie ou de Gaza.

    Kamel est un de ces Bédouins d'Israël. Il partage avec son frère et sa belle-sœur deux cabanes de guingois, tôles et planches assemblées tant bien que mal au milieu de rien, sur une terre aride que l’on croirait oubliée de Dieu mais sur laquelle ils parviennent à élever quelques chèvres. Mais ça ne suffit pas à faire bouillir la marmite ou à payer le peu d’essence nécessaire au groupe électrogène poussif qui donne le peu de lumière indispensable par exemple à la belle sœur de Kamel qui s'efforce de lire en espérant reprendre des études. Alors tous les matins, avant même que le soleil se lève, Kamel prend le bus et rejoint la gare routière où il exerce son métier de vigile, chargé notamment de traquer les colis suspects, dans un pays où la crainte de l’attentat est une obsession constante. Un métier qu’il exerce avec zèle, ce qui n’empêche pas ses collègues d’avoir envers lui une méfiance un peu paternaliste, Kamel étant relégué tout seul à la surveillance de l’entrée de la gare pendant que les autres vigiles patrouillent souvent à deux à l’intérieur. Et lorsqu'il rentre chez lui, il doit affronter le mépris de son frère, qui accepte l’argent qu’il rapporte, mais qui désapprouve sa collaboration avec un employeur juif…
    On espérerait que la vie de ces trois isolés, qui ne gênent strictement personne, puisse au moins se poursuivre tranquillement. Mais non : un jour arrive un avis de démolition. Comme à beaucoup de Bédouins installés dans le désert bien avant 1948, leur terre leur a été concédée d’une simple poignée de main en échange de leur neutralité ; et aujourd’hui l’administration israélienne a décidé de traquer les habitations qu’elle considère comme illégales puisque jamais ratifiées par un acte de propriété. Et le sharqiya, le vent mauvais, devient la parabole de ces 4x4 blancs remplis de fonctionnaires israéliens sans états d'âme qui s’abattent régulièrement sur ces malheureux et détruisent leurs maisons.

    Le très beau film d’Ami Livne, qui a justement grandi dans le Néguev, montre la cruauté et l’absurdité du sort réservé aux Bédouins – en même temps qu'il fait découvrir leur existence à la plupart d'entre nous. Il le fait avec une sobriété et une intelligence rares, avec une belle maîtrise formelle aussi : il traduit magnifiquement la beauté et la dureté de ces paysages désolés. Le personnage de Kamel est particulièrement fort et complexe : il croit jusqu’au bout à l’Etat de droit israélien, sollicitant en vain la compréhension de l’administration, imaginant un subterfuge pour interpeller les médias qui le trahiront… Et alors qu'approche l'inéluctable, on sent monter chez lui la colère sourde, l’indignation digne et sans violence propres aux peuples fiers et éternels. Kamel est incarné par un jeune Bédouin totalement amateur, qui a joué le personnage en cachette de son village et qui insuffle à son personnage toute la retenue mais aussi la détermination qui l’habite. La remarquable scène finale, dont on ne vous révélera rien, est à la fois terrible et pleine d’espoir, montrant bien que quoi qu’il fasse, l’Etat israélien ne vaincra jamais par la force la détermination de ceux qui ont habité cette terre bien avant qu'il se l'approprie.


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