• La Nuit du verre d’eau

     Un très beau film que je vous recommande. Les acteurs sont fantastiques et défendent un scénario qui ne l'est pas moins. L'image est très belle et c'est bien filmé.

    La Nuit du verre d’eau

    Liban, été 1958. Trois sœurs de la bonne société chrétienne sont en villégiature dans la montagne libanaise. La vie tranquille du village est bousculée par les échos d'une révolution grondant à Beyrouth et par l’arrivée de deux estivants français. Mais c'est de l'intérieur de la famille que viendra le bouleversement. L'aînée des sœurs, Layla, mère et épouse parfaite, va ouvrir les yeux sur la société patriarcale qui les tient sous contrôle. Dans le jeune Liban qui rêve d'un âge d'or, une femme peut-elle avoir un autre destin que celui tracé par les hommes ?

    Le verre d’eau, c’est celui que, petit enfant, on demande à sa mère en pleine nuit, un prétexte pour la faire venir quand on a peur du noir et qu’on ne veut pas rester seul. À tous les coups ou presque, la maman comprend à demi-mot et vous fait une place dans le lit parental, même si le père râle un peu…
    C’est ce très simple souvenir d’enfance qui a inspiré au libanais Carlos Chahine le titre de ce très joli film empreint de nostalgie. Le réalisateur a dû quitter précipitamment le Liban au déclenchement de la guerre de 1975, alors qu’il était garçonnet. Il a fait une carrière de dramaturge et de grand acteur de théâtre en France (notamment au Théâtre National de Strasbourg). Il a toujours conçu de ce départ précoce une grande nostalgie d’un Pays Rêvé (pour reprendre le titre d’un très chouette documentaire d’une autre réalisatrice libanaise, Jihane Chouaib, qui montre combien la nostalgie berce le cœur des Libanais exilés). Un pays d’avant la guerre où pouvaient encore régner une harmonie fragile entre les communautés et une douceur de vie incomparable.

    Carlos Chahine a choisi de placer son récit en 1958. Cette année-là, dix ans après l’indépendance du pays au lendemain de la Guerre, éclate une première Révolution qui va peut-être rebattre les cartes d’un pays à majorité musulmane mais où règne une élite économique et culturelle chrétienne. Mais nous sommes dans une splendide vallée, bien loin des soubresauts de la capitale, au cœur d’une famille chrétienne bourgeoise aisée, qui reste à l’écart des problématiques politiques. La préoccupation du patriarche, c’est de parvenir à bien marier (autrement dit au fils d’une autre honnête famille, chrétienne et riche) ses deux filles cadettes Nada et Eva, qui sont donc contraintes d’enchaîner les rendez-vous autour d’un thé avec des douarières et leurs fils à marier… Mais c’est à la fille aînée Layla que le récit s’intéresse particulièrement. Mariée elle-même à 17 ans avec un homme plus âgé qu’elle n’a jamais aimé, elle trouve en son jeune garçon Charles son seul réconfort. Jusqu’à ce qu’à ce que l’arrivée d’une famille de Français pour l’été, Hélène (Nathalie Baye) et son fils le Docteur René (Pierre Rochefort) vienne faire basculer son destin. Lors d’une promenade pendant laquelle Hélène s’occupe du petit Charles, les désirs de femme de Layla se réveillent en même temps qu’une soif de liberté qu’elle n’a jamais pu étouffer.

    Le film délicat et poétique de Carlos Chahine – servi par une très belle photographie qui valorise les paysages superbes des montagnes du Liban – est un beau plaidoyer pour l’émancipation des femmes face à une société patriarcale enfermée dans ses convenances et pratiques archaïques qui brisent chez elles toute aspiration individuelle. Il révèle, dans le rôle de Layla, la remarquable Maryline Naaman, qui crève littéralement l’écran. Mais La Nuit du verre d’eau livre aussi une observation fine de cette société divisée par la classe et la religion, où les métayers sont encore traités comme des serfs et où les Musulmans sont considérés, malgré leur présence majoritaire dans le pays, comme des citoyens de seconde zone. Ce qui constitue les prémices et les ingrédients de ce qui déclenchera la guerre civile, quinze ans plus tard.


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