• La nouvelle vie de Paul Sneijder

     Un très joli film avec Thierry Lhermitte. Le Québec est très bien filmé.

    scénario: 17/20         acteurs: 17/20      technique: 17/20    note finale: 17/20

     La nouvelle vie de Paul Sneijder

    Suite à un rarissime accident, Paul Sneijder ouvre les yeux sur la réalité de sa vie de « cadre supérieur » à Montréal : son travail ne l’intéresse plus, sa femme l’agace et le trompe, ses deux fils le méprisent…

    Comment continuer à vivre dans ces conditions ? En commençant par changer de métier : promeneur de chiens par exemple ! 

    Ses proches accepteront-ils ce changement qui le transformera en homme libre ?

    C’est un homme en mille morceaux que l’on découvre dans la première séquence. Un homme à la démarche fragile qui ne tient debout que par ce qu’il lui reste de volonté et l’aide d’une canne qui est tout sauf un effet de style. Même la météo, au diapason de cet humain brisé, est triste comme la pierre. Paul Sneijder pourrait mourir, là, sur le champ que cela lui serait bien égal, peut-être même que ce serait préférable tant le battement de son propre cœur résonne comme la mélodie ironique et terrible de son sort.
    Avant Paul avait une vie. Une vie d'homme divorcé puis remarié. Une vie d'homme qui a réussi sa vie mais qui l’a refaite ailleurs, loin de la France, au Québec. Paul Sneijder est un homme en morceaux car sa grande fille, celle qu’il avait laissée en France et qui a grandi sans lui, vient de mourir. Un accident. Absurde, impensable, un accident défiant toutes les lois des statistiques et des probabilités. Un accident auquel il a lui-même survécu par miracle – pourquoi moi, pourquoi pas elle ? –, qui le laisse bancal sur ses deux jambes et bancal dans son existence, dans un entre deux déroutant, à mi chemin entre la stupeur et le deuil, entre l’envie de sombrer et celle de s’accrocher.


    S’accrocher d’accord, mais à qui ? À quoi ? On ne peut pas vraiment dire que sa femme, celle avec qui il a refait sa vie au Canada, lui soit d’un grand secours. La période de tendresse compatissante est de courte durée et elle est déjà dans l’instant d’après. L’instant d’après, selon Ana Sneijder, c’est celui du procès, qui les mettra à l’abri de tout souci financier et offrira à leurs deux garçons la chance d’intégrer les meilleures Business, Managment and Marketing and Financial Schools des States. Car la réussite parle forcément anglais et se pense très tôt plan de carrière chez Ana Sneijder… On comprend bien qu’elle a quelques revanches à prendre sur la vie.
    Mais l’accident a provoqué chez Paul comme un éclat magique de lucidité sur sa vie et il veut prendre son temps, le temps du doute et de l’errance, le temps du chagrin. Il veut écouter la petite voix qui lui murmure l’évidente absurdité de tout cela… C’est peut-être la voix de la raison, à moins que ce ne soit celle de sa fille disparue, et si c’était la même chose ? Et si tout cela au fond n’avait aucun sens ? La belle maison, la réussite sociale, les conseils juridiques, les grandes écoles, les relations qui peuvent être utiles, le procès ?
    La nouvelle vie de Paul Sneijder, c’est celle qu’il va oser choisir sans l'avoir préméditée : quitter son boulot de cadre supérieur et promener des chiens dans un Montréal majestueux et blanc de neige. Une longue promenade existentielle comme les prémisses de sa guérison, de ses retrouvailles avec le sel de la vie. Les gens qu’il croisera sur sa route, par leur bienveillance ou leur humanité ou leur ridicule, l’aideront à avancer mieux que la canne qu’il finira par lâcher.

    Bien plus qu’un film sur le deuil, c’est une réflexion profonde et originale sur le sens de la norme sociale, sur les carcans qui enferment les hommes, les femmes et les familles dans cette soif absolue de réussite, de performance, d’efficacité, de rentabilité appliquée à tous les champs de l’existence : études, travail, carrière et même la mort… au risque de passer à côté de l’essentiel, au risque de devenir plus glacial que l’hiver canadien et un tableau excel réunis.
    On n'a jamais vu Thierry Lhermitte dans si beau rôle, il est grandiose en homme cassé, tout en distance amusée, tout en nuances, avec cette noblesse un peu fanée. A ses côtés, Géraldine Pheillas parvient à éviter la caricature et les excès d’un personnage peu sympathique dont on devine pourtant les multiples blessures. Le Québec enneigé offre un écrin dépaysant au récit qui n’est jamais plombant ou sinistre et sait faire preuve d'un humour aussi fin qu'efficace. Car la nouvelle vie de Paul va aussi lui faire retrouver cela qui n'est pas rien : le goût et l’envie de rire.


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