• Youssef Salem a du succès

    Une très jolie comédie.

    Youssef Salem a du succès

    Youssef Salem, 45 ans, a toujours réussi à rater sa carrière d’écrivain. Mais les ennuis commencent lorsque son nouveau roman rencontre le succès car Youssef n’a pas pu s’empêcher de s’inspirer des siens, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Il doit maintenant éviter à tout prix que son livre ne tombe entre les mains de sa famille...

    Qu’on soit Français né de parents maghrébins ou Neversois d’origine vaguement catalane, il ne fait pas toujours bon mélanger création littéraire et histoire familiale. Surtout si la famille en question est susceptible de lire la-dite création – et de s’y reconnaître. À moins, sans doute, de brosser au long des pages les portraits les plus avantageux de parents aimants, de fratries heureuses, de narrer avec émerveillement les exploits plus ou moins enjolivés des unes ou des autres… mais le cerveau de l’écrivain est ainsi fait que, inexorablement, c’est au mieux dans les petits travers de chacun, au pire dans la face cachée, sombre, honteuse de la vie, qu’il tire le meilleur de son inspiration. Tel est le dilemme de Youssef Salem.

    Obscur écrivaillon de livres sans lecteurs, il se trouve soudainement propulsé sous les projecteurs à la parution de Choc toxique, un roman au succès inattendu, couvert de louanges par une critique extatique et dont il va répétant sur les plateaux télé que c’est le pur fruit de son imagination. Mais Choc toxique ne trompe pas grand monde, et surtout pas ses sœurs et son frère. Parisien relativement fauché au train de vie joyeusement dissolu, Youssef s’est un peu éloigné, c’est un euphémisme, du mode de vie familial. Et lorsqu’il revient de loin en loin visiter sa famille restée dans la banlieue de Port-de-Bouc, cité ouvrière à un jet de boule de pétanque de Marseille, il romance également gentiment sa vie parisienne, de façon à la rendre acceptable par des parents qui, sans être des foudres de traditionalisme rigoriste, ont encore quelques valeurs morales à faire valoir à leurs rejetons. Pour l’heure, au moment du retour du fils prodigue, non seulement les frangines et le frangin sont furax de se retrouver sans l’avoir voulu dans les pages de leur cher frère, mais il devient très vite urgent de multiplier les subterfuges pour empêcher les parents de lire ce satané livre. Tiraillé, sollicité de toute part, Youssef s’épuise en d’incessants allers-retours en train qui font le lien entre son passé et son avenir littéraire, ses aveux et ses mensonges, ses souvenirs et ses aspirations.

    Inspiré de la propre expérience de Baya Kasmi à la sortie de son précédent film Je suis à vous tout de suite, Youssef Salem a du succès se place naturellement dans la lignée des films qu’elle écrit avec Michel Leclerc. Le couple de cinéastes à la joie de vivre communicative n’en finit pas, depuis Le Nom des gens, de parler avec humour, avec loufoquerie même, et avec beaucoup de sérieux cependant, de la, de ses familles, des questions d’origines qui le touchent de près, du vivre-ensemble, de la politique, des patronymes, et donc aujourd’hui de la difficulté même de se raconter… avec une grâce et une légèreté sans cesse renouvelées. Servi par des acteurs hilarants et formidables (Ramzy Bedia au mieux de sa forme, la trop rare Vimala Pons, mais aussi Melha Bedia la sœur de Ramzy, Lyes Salem…), le film est enlevé mais sait gentiment gratter là où ça fait mal. Notamment sur les préjugés liés à la famille maghrébine, d’où qu’on en parle. Et ce n’est pas le moindre des talents de Baya Kasmi comme de Michel Leclerc que d’arriver, à partir de leurs petites historiettes intimes et rigolotes, à tendre à l’universel. En l’occurrence : on l’aime, mais c’est compliqué, la famille !


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