• Un jour de chance

    Cela partait d'une bonne idée: la critique d'une monde où tout est bon pour devenir célèbre. Et riche. Un pauvre type qui cherche désespéremment du travail a un accident et fait tout pour le monnayer. C'est bavard et ennuyeux. Dommage.

    scénario: 13/20   acteurs: 14/20  technique: 16/20   note finale: 13/20

    Un jour de chance

    Ancien publicitaire à succès désormais sans emploi, Roberto ne supporte plus d'être au chômage. Désespéré, il veut faire une surprise à sa femme en l'invitant dans l'hôtel qui fut le théâtre de leur lune de miel. Mais l'établissement a laissé place à un musée, sur le point d'être inauguré et présenté à de nombreux journalistes. Au cours de sa visite, Roberto fait une grave chute... En quelques minutes il devient l'attraction numéro 1 des médias présents et comprend que cet accident pourrait finalement lui être très profitable...

    Pour qui connaît un peu la filmographie de ce trublion qu'est Alex de la Iglesia, précisons que ce Un jour de chance se situe plutôt dans sa veine « classique ». Ce qui ne veut pas dire sage et sans surprise, mais assurément sans effets sanglants, sans scènes gore ou horrifiques. On est du côté de Mes chers voisins ou Un crime farpait, qui sont d'ailleurs ses plus gros succès en France.
    Le scénario est placé sous le signe de la fable incongrue et cruelle. Le personnage principal, Roberto, est un ancien publicitaire sans emploi, réduit au chômage longue durée (comme beaucoup d’Espagnols aujourd’hui), et qui, grâce au soutien de sa femme Luisa, s’obstine à enfiler tous les matins costume et cravate pour se présenter à des entretiens d'embauche au milieu de dizaines d’autres candidats tout aussi à cran. Mais ce matin-là, il en est sûr, il va décrocher le job : le patron d’agence qu’il va voir est un ancien ami, pour qui Roberto a pondu il y a des années un slogan (« La chispa de la vida ! ») qui a fait sa fortune…

    Les choses ne se passent évidemment pas comme prévu, Roberto se fait éconduire une fois de plus et, désespéré, il décide de se remonter le moral en allant revoir l’hôtel de sa lune de miel, avec l'idée de faire une surprise à sa femme en l'invitant pour un séjour revival en amoureux. Mais voilà : sous le dit hôtel on a trouvé les ruines d’un théâtre romain, et l’ensemble est devenu un musée archéologique encore en chantier, dans lequel il pénètre en douce. Il se balade, est surpris par un garde, fait un pas en arrière… et chute de plusieurs mètres pour venir s'empaler sur une tige métallique… Le voilà immobilisé, conscient, un bout de ferraille planté à l’arrière du crâne, intransportable, entre la vie et la mort, mais paradoxalement il ne souffre pas, à condition de ne pas bouger un orteil. Débarque bientôt une équipe médicale de haut niveau, suivie d'une près par une flopée de journalistes à sensation. Et à l’instar des mineurs chiliens, ou de la malheureuse petite fille coincée dans un torrent de boue en Colombie, sa survie ou son agonie vont devenir un objet télévisuel qui va faire vibrer toute l’Espagne. Et Roberto croit voir dans cet accident son jour de chance, qui le rendra riche et célèbre ou du moins qui assurera à sa famille la belle vie qu’il n’a jamais pu lui apporter.

    Un jour de Chance est une tragi-comédie féroce sur la tyrannie de l’image dans un pays qu'Alex de La Iglesia décrit en pleine faillite économique mais aussi en pleine déliquescence morale. Il montre les Espagnols vivant presque par procuration, à l’affut des reportages à sensation. Il n’est pas anodin qu’il situe sa fable sardonique dans un théâtre antique où l’Espagne observe à la télé Roberto empalé. La télé-réalité est clairement devenue l’héritière des jeux du cirque ou des exécutions publiques, qui permettaient au peuple d’oublier ses malheurs et sa soumission. Alex de La Iglesia est tout aussi impitoyable avec le monde de l’entreprise, où l’on ne produit que du vent et des rêves inutiles, où le cynisme et l’hypocrisie sont les règles du dialogue social, où l’on est embauché ou viré pour des raisons incompréhensibles. Pas de pitié non plus pour les médias, prêts à vendre l’information coûte que coûte à telle ou telle marque, monnayant l’interview d’un mourant en espérant bien que l’issue sera fatale. Est épinglée enfin la culture officielle, la rénovation d’un site archéologique n’étant ici que prétexte à communication politique. Alex de la Iglesia, sous ses allures de geek biberonné au cinéma d’horreur, est bien à sa manière l'héritier des furies révolutionnaires d’un Buñuel ou d’un Almodovar des débuts.


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