• Tout ce qu'il me reste de la révolution

     Un joli film typiquement français. Une totale réussite. Avec la coscénariste Cécile Vargaftig, Judith Davis offre un état des lieux de la France d’aujourd’hui, où l’obligation de rentabilité fait souffrir la population. Le talent de Judith Davis, actrice, scénariste et réalisatrice, éclate dans cette comédie, pleine d’un charme impétueux, sur la perte des idéaux.

    scénario: 17/20   acteurs: 17/20   technique: 17/20  note finale: 17/20

    Tout ce qu'il me reste de la révolution

    Angèle avait 8 ans quand s’ouvrait le premier McDonald’s de Berlin-Est… Depuis, elle se bat contre la malédiction de sa génération : être né « trop tard », à l’heure de la déprime politique mondiale. Elle vient d’une famille de militants, mais sa mère a abandonné du jour au lendemain son combat politique, pour déménager, seule, à la campagne et sa sœur a choisi le monde de l’entreprise.
    Seul son père, ancien maoïste chez qui elle retourne vivre, est resté fidèle à ses idéaux. En colère, déterminée, Angèle s’applique autant à essayer de changer le monde qu’à fuir les rencontres amoureuses.
    Que lui reste-t-il de la révolution, de ses transmissions, de ses rendez-vous ratés et de ses espoirs à construire? Tantôt Don Quichotte, tantôt Bridget Jones, Angèle tente de trouver un équilibre…

    « C’est une fille bien campée sur ses deux jambes… Jolie fleur du mois de mai ou fruit sauvage… Qui nous donne envie de vivre, qui donne envie de la suivre… jusqu’au bout ! » Qui se souvient encore des refrains de ces lendemains prometteurs qui chantaient au soleil ? Georges Moustaki, sans la nommer, nous parlait alors de la révolution permanente.
    Cinquante ans plus tard, c’est à ces idéologies, leurs mythes, à un monticule de trahisons et de déceptions que s’attaque de façon complètement hilarante et pertinente le premier film en tant que réalisatrice de l’actrice Judith Davis. Comme quoi le rire n’a jamais empêché la réflexion, ni la tendresse, bien au contraire ! Et comme par hasard, c’est Agat Films, société dont fait partie Robert Guédiguian, qui a produit ce joli remède à la mélancolie ! L’occasion de leur rendre hommage et de leur dire combien une fois de plus ils ne se sont pas trompés. Tout ce qu’il me reste de la révolution est un film formidable, gorgé d’une intelligence et d'une énergie qui mettent du baume au cœur et donnent la niaque d’avancer !

    Mais commençons par le commencement… Angèle, silhouette rousse d’éternelle révoltée, est de celles qui n’abdiquent jamais. Son dessin favori est sans doute ce doigt d’honneur qu’elle placarde sur les distributeurs de billets, les publicités débiles ou sexistes. Ça ne change pas la face du monde, mais qu’est-ce que ça fait du bien, cette modeste contestation du quotidien ! Sa colère légitime l’aide à se tenir droite dans les pire moments, elle en fait son carburant. En même temps, côté cœur c’est la Bérézina. Avoir grandi dans l’ombre écrasante de la génération 68 ne laisse pas grand place à la construction individuelle. Scander « L’intime est dérisoire face à l’action publique et citoyenne ! » laisse peu d’espace aux discours amoureux.
    Alors que sa grande sœur, plus cynique, en a soupé des engagements militants de ses parents, Angèle baigne inlassablement dans les idéaux d’alors, qu’elle a fait siens. Pas de concessions à la société de consommation, au capitalisme, aux dominants ! Sus à l’ennemi, plus grand il est, plus glorieux sera le combat ! Chaque jour elle se prend une nouvelle portière dans la figure, une nouvelle désillusion, un revers de manche, chaque jour elle trébuche maladroitement. Qu’importe, elle a la fougue de ceux qui se sentent investis par de justes causes ! Chaque matin elle se redresse et se redressera toujours, bien décidée à lutter contre la misère, l’exploitation, à œuvrer pour un monde meilleur ! Comme Simon, son père, qui ne s’est jamais avoué vaincu, ni pute, ni soumis. Il faut la voir arborant fièrement sa Chapka soviétique en plein Paris, affublée comme un arbre de Noël alors qu’elle débarque chez lui, puisque ses bons patrons urbanistes de gauche viennent de la virer. Pourtant elle y croyait ! Elle se sentait pousser des ailes pour transformer l’espace public, remettre l’humain au cœur de la ville. Des mots, encore des mots, toujours des mots… Face à une société qui se désagrège, que reste-t-il de tout cela, dites-le moi ?

    Mais le désarroi est vite digéré ! Ce qui triomphe, c’est la force vitale, la joie en tant qu’énergie réparatrice, libératrice. Et c’est cet héritage que nous lègue Tout ce qui me reste de la révolution : malgré le constat cinglant qu’il dresse de notre époque, ce qu’on retiendra c’est son refus joyeux du No Future !


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