• Syngué Sabour - Pierre de patience

    Un très grand film porté à bout de bras par une actrice merveilleuse qui mérite un prix d'interprétation.

    scénario: 18/20     technique: 18/20    acteurs: 18/20   note finale: 18/20

     

    Syngué Sabour - Pierre de patience

    Au pied des montagnes de Kaboul, un héros de guerre gît dans le coma ; sa jeune femme à son chevet prie pour le ramener à la vie. La guerre fratricide déchire la ville ; les combattants sont à leur porte. La femme doit fuir avec ses deux enfants, abandonner son mari et se réfugier à l'autre bout de la ville, dans une maison close tenue par sa tante. De retour auprès de son époux, elle est forcée à l'amour par un jeune combattant. Contre toute attente, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à son mari ses souvenirs, ses désirs les plus intimes... Jusqu'à ses secrets inavouables. L'homme gisant devient alors, malgré lui, sa "syngué sabour", sa pierre de patience - cette pierre magique que l'on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances... Jusqu'à ce qu'elle éclate !

    Quelque part au pied des montagnes de Kaboul, dans un quartier périphérique, alors que la guerre fait rage. On ne sait qui tire sur qui et à quelle période on est. L'important n'est pas là.
    A l'intérieur de sa modeste maison, une femme en charge de ses deux enfants en bas âge veille sur son mari inerte, plongé dans un coma profond, sourd au fracas des combats qui terrorisent tout le quartier. La vie – ou plutôt la survie – est une lutte quotidienne : le danger est proche, l'approvisionnement est complexe, d'autant que l'argent fond, les médicaments nécessaires au mari deviennent inaccessibles, même le porteur d'eau semble avoir du mal à franchir la ligne de front. Et pourtant régulièrement la femme se revêt de sa burqa, silhouette anonyme parmi tous ceux qui souffrent de la guerre, et parcourt les rues pour trouver l'essentiel. Elle est seule pour affronter la situation. Elle a pour seule famille une tante, à l'autre bout de la ville.
    Mais l'essentiel de sa vie se passe dans cette chambre exiguë, avec cet homme entre la vie et la mort. Un homme à qui elle va parler, même s'il ne l'entend pas, justement parce qu'il ne l'entend pas. Des choses banales au départ, des mots de réconfort ou d'amour… Puis peu à peu, l'homme ne risquant pas de lui faire un quelconque reproche, les mots de la femme vont devenir confessions, secrets de plus en plus intimes, faisant sortir ainsi tout ce qui était depuis longtemps enfoui en elle, alors qu'elle était fille puis femme soumise aux paroles et aux diktats des hommes. Le mari réduit à l'impuissance va devenir sa pierre de patience, cet objet à qui, dans la tradition, on déverse tous ses secrets jusqu'à la saturation.

    La force du film d'Atiq Rahimi est de donner à entendre – et à voir – la parole et toute sa puissance libératrice, dans un pays où l'expression des femmes est muselée par le pouvoir des hommes. Parfois la mise en scène crée un contraste saisissant entre les mots et les images : comme quand la femme caresse tendrement le visage de son mari et qu'elle lui chuchote : « qu'une balle perdue puisse t'achever ! ». Et bientôt la parole libérée va s'accompagner de la libération du corps. Vous verrez comment le scénario introduit habilement cette évolution du personnage…
    Le récit qui faisait l'objet du roman d'Atiq Rahimi, Prix Goncourt 2008, est d'une richesse folle et rend compte de toute la complexité, à travers le destin de cette femme, de la société afghane. Mais le film, remarquablement adapté avec l'aide de Jean Claude Carrière, sait se délivrer de l’œuvre littéraire pour dérouler un langage cinématographique qui joue des ambiguïtés du récit avec une caméra extrêmement mobile, caressant littéralement le corps de la femme, créant un mouvement qui contraste avec l’exiguïté de l'unité de lieu.

    Signalons pour terminer que le film ne serait pas ce qu'il est sans l'interprétation habitée de la sublime Golshifteh Farahani (déjà admirée dans À Propos d'Elly, Si tu meurs, je te tue…), qui déploie toutes les facettes du personnage, de la soumission et du fatalisme à la sensualité la plus éclatante.


  • Commentaires

    1
    VERTIGO 04
    Lundi 18 Mars 2013 à 14:05

    Je suis en total accord avec l'appréciation que vous faites de ce film ainsi que pour sa notation. A voir absolument !!!!!!!!!!!!

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