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     Intrigué par un film tourné en yiddish, je décidai d'aller voir cette rareté. Ce n'est pas un film, c'est un documentaire sur les pédophiles dans les yéshivas. À l'heure des scandales pédophiles, "M" nous révèle de manière poignante que ce n'est pas l'apanage de certains prêtres catholiques. Si « M » est aussi ahurissant qu’explosif, c’est aussi parce qu’au fil des confidences et des arguments livrés par des religieux - visant à faire reposer tout ceci sur une logique tout à fait explicable, voire excusable -, certains dialogues laissent pantois. En s’attaquant à un sujet tabou dans une communauté orthodoxe, Yolande Zauberman signe un documentaire poignant dont on ne ressort pas indemne.

    scénario: 16/20       technique: 16/20    note finale: 16/20

    M

    «M» comme Menahem, enfant prodige à la voix d’or, abusé par des membres de sa communauté qui l’adulait. Quinze ans après il revient à la recherche des coupables, dans son quartier natal de Bnei Brak, capitale mondiale des Juifs ultra-orthodoxes. Mais c’est aussi le retour dans un monde qu’il a tant aimé, dans un chemin où la parole se libère… une réconciliation.

    C'est la voix de Yolande Zauberman qui nous fait entrer dans son magnifique film : « J’entre dans le monde de mes ancêtres à travers une blessure, celle de Menahem. » Le monde de ses ancêtres ? Celui des hommes en noir, juifs, ultra-orthodoxes, ceux de Bneï Brak, la capitale mondiale des haredim, littéralement les « Craignant-Dieu », plus composite et complexe qu’il n’y parait sous les tenues faussement uniformes. Un monde effarant, qui n’ose pas regarder une femme dévêtue, où chaque moment d’intimité avec ces êtres impurs est calibré, enseveli dans la plus sombre obscurité. On part à la chasse de la moindre miette de lumière, du moindre reflet. On colmate serrures, interstices, fentes… Chacun, avant d’entreprendre sa légitime épouse, se livre à une logistique impressionnante qui prend souvent plus de temps que l’acte lui-même, tuant dans l’œuf la moindre possibilité d’un semblant d’érotisme. D’ailleurs, si on pouvait procréer sans jouir, sans doute le ferait-on, ainsi le veut le Talmud…
    Menahem, le M du titre, se souvient de la moiteur des bains, des ablutions entre hommes, soudain troublés, propulsés par un irrépressible tourbillon de sensualité, de désirs inavouables. Il se souvient de ces membres virils, comme aimantés par la chair fraîche, incapables de dominer leurs pulsions… Trop forts pour être repoussés par un petit garçon.

    Menahem Lang était alors cet enfant dont la voix cristalline semblait pouvoir élever les plus belles prières vers l’infini. Devenu homme, tout son être paraît vibrer tant il module son chant bouleversant avec maestria. Mais dans les mélodies liturgiques qui le transportent, on perçoit comme une faille vertigineuse où se tapit un monstre vorace. Menahem est un personnage haut en couleur, drôle, extraverti. Pourtant on devine en lui les cicatrices mal refermées. D'abord intimidé, il gagne peu à peu en assurance au contact de Yolande Zauberman. Cet être assoiffé de justice vient réclamer à sa communauté la reconnaissance de sa souffrance, l’obliger à entendre sa vérité d'enfant abusé.

    L’homme progressivement nous épate, par sa liberté de ton, par son courage. La réalisatrice par la qualité de son attention, par sa douceur tranchante. L’un et l’autre non violents, malgré la rage rentrée, le venin qui les ronge. L’un et l’autre dignes, admirables. Ne cédant pas à la haine, ne refoulant pas la tendresse qui monte envers cette communauté malgré tout aimée. La caméra pénètre toujours plus profondément dans l'intimité de Menahem, respectueusement, sans la violenter, l'aide à briser les cercles vicieux qui l'entravent, à laver son enfance souillée…


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