• les nouveaux chiens de garde

    En 1997, Serge Halimi (aujourd’hui directeur du Monde Diplomatique) publiait Les Nouveaux chiens de garde, un pavé dans la mare journalistique qui épinglait la collusion des journalistes les plus en vue et des politiques, dénonçait la concentration des médias aux mains de quelques grands groupes financiaro-industriels, montrait la tyrannie d’une idéologie unique véhiculée par quelques experts auto-proclamés. Le livre fut réactualisée en 2005, après la mascarade du traitement médiatique du référendum européen. Et voilà que déboule désormais le formidable film adapté du livre. Un film salutaire, informatif et pédagogique, qui a en plus le bon goût d'être très drôle et rondement mené, abordant successivement plusieurs thèmes avec un brio revigorant. D’abord la servilité des personnalités des médias devant les pouvoirs en place : on est hilare devant l’obséquiosité d’un Laurent Joffrin (ancien rédacteur en chef de Libé et désormais du Nouvel Observateur) interviewant le président de la République ; sont aussi pointées les connexions entre le pouvoir et les grands groupes de presse : Lagardère, Bolloré, Bouygues… Séquence surnaturelle que celle de Michel Drucker, employé d’Arnaud Lagardère sur Europe 1, invitant sur le plateau de son émission de la télévision du service public Jean Pierre Elkabbach, grand ponte d’Europe 1 qui invite lui-même leur patron commun Arnaud Lagardère pour lui passer la brosse à reluire…

    Autre partie éclairante, celle où l’on découvre à quel point les animateurs radio et télé et autres journalistes ont des liens étroits avec les grands groupes industriels ou financiers. Notamment à travers les « ménages », ces petites missions publicitaires qu’ils assurent pour arrondir leurs fins de mois déjà pas trop difficiles : Michel Field, l’ancien rebelle de mai 68, qui tourne des clips de promotion ridicules du groupe Casino, ou encore Isabelle Giordano, défenseur du consommateur sur la radio publique, qui, après avoir animé des réunions pour Sofinco, reçoit dans son émission de France Inter le responsable de la communication de… Sofinco…
    Autre grosse tranche de rigolade rageuse : celle sur les experts, avec une séquence de montage éclairante, qui montre à quel point ce sont toujours les mêmes qui sont les invités des plateaux télé, avec les mêmes discours en faveur d’une économie ultralibérale. Le roi de la poilade, c’est, six mois avant la grande crise de l’automne 2008, l’insubmersible Alain Minc qui, malgré tous les signaux d’alerte rouge que seul un daltonien pouvait ignorer, prédit que le système va s’auto-réguler, comme toujours ! Et malgré ça, lui et ses collègues continuent de hanter les plateaux de télé en pleine crise, alors que les économistes Jean Gadrey ou Frédéric Lordon, qui avaient eux pressenti le krach, sont ignorés par les médias. Deux oubliés parmi plein d'autres…

    Sont également abordés la hiérarchie de l’information, souvent dominée par le fait divers (qui fait diversion, comme dirait Bourdieu), et le mépris des médias pour les classes populaires, qui nous saute à la figure dans la séquence où David Pujadas, présentateur du journal de France 2, demande à Xavier Mathieu, le leader de la lutte des Contis, de s’excuser des dégradations commises lors d’une manifestation… Il y a plein d'autres moments forts dans ce film foisonnant, qui montrent que trop de journalistes, loin d'être indépendants, loin d'être libres, sont bien les fidèles chiens de garde d'un pouvoir politique et financier dont ils sont trop contents d'accepter quelques croquettes.

    scénario: 16/20    technique: 16/20   note finale: 16/20

     

    les nouveaux chiens de garde

    Les médias se proclament "contre-pouvoir". Pourtant, la grande majorité des journaux, des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intimement liés au pouvoir. Au sein d’un périmètre idéologique minuscule se multiplient les informations pré-mâchées, les intervenants permanents, les notoriétés indues, les affrontements factices et les renvois d’ascenseur.
    En 1932, l’écrivain Paul Nizan publiait Les chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’imposaient en véritables gardiens de l’ordre établi.
    Aujourd’hui, les chiens de garde sont journalistes, éditorialistes, experts médiatiques, ouvertement devenus évangélistes du marché et gardiens de l’ordre social. Sur le mode sardonique, LES NOUVEAUX CHIENS DE GARDE dénonce cette presse qui, se revendiquant indépendante, objective et pluraliste, se prétend contre-pouvoir démocratique. Avec force et précision, le film pointe la menace croissante d'une information produite par des grands groupes industriels du Cac40 et pervertie en marchandise.


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