• Juste la fin du monde

    Le dernier film du talentueux Xavier Nolan est une réussite. Tous les acteurs de ce casting de rêve sont géniaux et Nathalie Baye mérite un prix d'interprétation. Marion Cotillard ne sert à rien. Cela commence un peu lentement mais après le film prend toute sa dimension. C'est un peu bavard. Mais les secrets de cette famille sont intéressants. Réussi.

    scénario: 18/20      acteurs: 18/20    technique: 18/20     note finale: 18/20

    Juste la fin du monde

    Après douze ans d’absence, un écrivain retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.
    Ce sont les retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit malgré nous les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.

    Adapté de la pièce de Jean-Luc Lagarce, écrite en 1990 alors qu’il se savait atteint du sida, ce sixième long-métrage de Xavier Dolan (vingt-sept ans cette année !) est son plus abouti, son plus fort à ce jour. Il saisit Louis, alter ego de l’auteur interprété par Gaspard Ulliel, dans un avion, tandis qu’en « off », la voix de l’acteur annonce le programme : revenir sur ses pas, retrouver sa famille, leur annoncer sa mort « prochaine et irrémédiable ». « En être l’unique messager… Me donner, et donner aux autres, une dernière fois, l’illusion d’être responsable de moi-même et d’être‚ jusqu’à cette extrémité‚ mon propre maître. »
    Ce prologue funèbre diffuse sa terrible gravité dans la course folle qui suit, un voyage en taxi recomposé comme un flip book d’images filantes au son, poussé à plein volume, d’une musique conquérante, qui propulse le film sur sa rampe de lancement. Et nous voilà chez Martine (Nathalie Baye, impayable sous sa perruque noir corbeau), où tout le monde attend le retour du fils prodigue. Ce qui va se jouer dans ce huis clos grotesque et désespéré est une tragédie de l’intime, de la solitude radicale de l’homme, où l’âme se voit littéralement mise à nu. La rencontre de ce personnage qui vient pour annoncer sa mort et de ceux à qui il vient l’annoncer, qui attendent de sa part la promesse d’un avenir partagé, ne peut provoquer qu’un hurlement muet. On est par-delà l’incommunicable, dans la zone irréparable du déjà trop tard.


    Douze ans que Louis n’a pas vu sa mère, ni son frère, ni sa sœur. Avec ces gens mal dégrossis, incapables de communiquer autrement que par l’invective ou l’insulte, l’homosexuel sophistiqué qu’il est, intellectuel brillant, doux et posé dans son rapport aux autres, ne partage rien. « J’ai peur d’eux », dit-il à un ami, au téléphone. Comment trouver non seulement la force, mais aussi, simplement, un moment pour prendre la parole dans ce climat délétère, très Dolan première époque, où personne n’écoute personne et où tout le monde se coupe en vociférant ? Ce régime d’hystérie à haute intensité n’a pas eu l’heur de plaire à tout le monde lors du Festival de Cannes…
    C’est dommage, car malgré le poids de la situation qui vous cloue littéralement au fond de votre siège, c’est souvent drôle. Dans son rôle de « connard ascendant violent », Vincent Cassel, notamment, est dément. Dolan, en outre, a l’élégance d’offrir à ses spectateurs des échappées fantasques comme cette chorégraphie (très mal) improvisée par Léa Seydoux et Nathalie Baye au son d’un vieux tube d’O-Zone. Ou cette réminiscence lumineuse, provoquée par la découverte, dans la remise, du vieux matelas qui accueillit jadis les amours de Louis et de Pierre, dit Joli-Cœur.

    Dans la gabegie qui masque mal le champ de ruines de cette famille rongée par la souffrance, la honte et le ressentiment qu’a nourris le vide laissé par un dieu vivant qui fut un jour des leurs, la mise en scène baroque de Dolan travaille les creux ; réveillant, ici, dans un échange de regards furtif, la mémoire d’une complicité ; révélant, là, l’indicible à la surface d’une alternance hallucinée de gros plans de visages. Elle exprime ce que les personnages sont incapables de dire eux-mêmes. Elle raconte en silence que Catherine (inutile Marion Cotillard qui joue vraiment mal dans ce film dont elle est l'erreur de casting) – épouse hypersensible et souffre-douleur d’Antoine que tout le monde prend pour une idiote – a compris la raison de la visite de Louis, que les autres, murés dans leurs névroses, ne s’expliqueront jamais.


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