• Goliath

    Goliath

     

    France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser.

    C'est le premier film que j'ai vu après deux ans de disette!! Et je n'ai pas été déçu.

    Comme chantait Leprest, « tout c’qu’est dégueulasse porte un joli nom ». Imaginons par exemple celui d’un pesticide, massivement utilisé dans les jardins, les champs et à proximité des habitations et des écoles, « probablement » responsable selon l’OMS de la maladie et des décès des agriculteurs qui le manipulent comme de leurs voisins… tiens, tiens… ça ne vous rappelle rien ? Pour plus de commodités, les scénaristes de Goliath ont pris soin de remplacer le déjà joli mot de « Glyphosate », de sinistre mémoire, par celui, inventé, de « Tétrazine ». Principalement pour ne pas titiller de trop près la fibre judiciaire de certains géants de l’industrie chimique – assez chatouilleux sur l’utilisation de leur nom ou celui de leurs produits, associés à des questions de santé publique. Mais afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté, il est précisé en ouverture que le film, œuvre de fiction, est « inspiré de faits réels ». Et que quiconque reconnaitrait dans les personnages et les situations narrées des histoires bien réelles ne se tromperait évidemment pas.

    Le film s’ouvre sur le procès pour la reconnaissance comme une maladie professionnelle du cancer, très « probablement » causé par la Tétrazine (quoi d’autre ?), qui a emporté Margot, une jeune agricultrice. Procès contre la « mutuelle santé », qui se défend bec et ongles pour éviter l’indemnisation à laquelle cette reconnaissance donnerait droit. Procès mené par Lucie, la compagne de Margot : pour comprendre, pour la vérité, pour la morale… Mais la morale est une notion fragile qui ne pèse pas bien lourd dans la balance de la justice – et malgré l’engagement de son avocat, Lucie n’a pas gain de cause. Pour cela, il aurait simplement fallu que la nocivité de cette saloperie de Tétrazine, qui a eu raison de Margot, soit indiscutablement reconnue. Or, comme par hasard, il se trouve toujours une étude, un article rédigé par une sommité scientifique, pour instiller le doute, remettre en cause les conclusions unanimes d’une armada de chercheurs de renom. Tant pis s’il est avéré que cette voix discordante est financée par les industriels mis en cause. Subtilement maniée par de malins lobbyistes, martelée médiatiquement sous forme d’éléments de langage simplistes, elle suffit à faire vasciller l’opinion publique et ébranler la certitude des juges.
    Le lobbyiste, c’est par exemple Mathias. Élégant, élancé, perçant, redoutable rhétoricien, sa belle petite gueule au sourire carnassier dissimule à peine un professionnel froid et calculateur. Stratège mercenaire, expert des questions environnementales dont il sait à la perfection retourner les enjeux, il est appointé par l’un de ces mutliples cabinets de « conseil » qui gravitent sans relâche dans les sphères du pouvoir, des cabinets ministériels aux parlements, avec pour mission d’en infléchir la politique au profit de leurs commanditaires. Quel qu’en soit le coût et quels que soient les moyens employés. S’attaquer à la Tétrazine, comme va le faire avec ténacité Patrick, l’avocat de Lucie, c’est se retrouver confronté à Mathias et à ses méthodes radicales qui ne s’embarrassent ni de préjugés moraux, ni de décence.

    Patrick, Lucie, Mathias, Margot, France, Paul, Zef, Vanec… Totalement investis sous la caméra précise, sans esbroufe, de Frédéric Tellier, emmenés par un Gilles Lellouche et un Pierre Niney absolument impeccables, les comédiens campent une galerie de personnages plus que crédibles : familiers. Leurs histoires entrecroisées tissent la trame d’une histoire qui est clairement la nôtre. Pour mémoire : le glyphosate est, depuis 2015, considéré comme « cancérogène probable » par l’OMS. Emmanuel Macron, qui s’était engagé pour une interdiction du glyphosate « au plus tard dans trois ans », a reconnu avoir « échoué sur ce sujet ». La Commission européenne avait accordé en 2017 une autorisation de cinq ans pour son utilisation, qui expire en décembre 2022. Comme dans le film, les industriels qui le fabriquent ont déjà demandé son renouvellement. Goliath est un thriller passionnant, une œuvre chorale épatante – et un film d’utilité publique.


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