• Cherchez Hortense

    Un joli film intimiste même si on peut regretter qu'il parte un peu dans tous les sens. Mais un joli film malgré ses imperfections.

    scénario: 15/20      acteurs: 16/20       technique: 16/20       note finale: 16/20

    Damien, professeur de civilisation chinoise, vit avec sa femme, Iva, metteur en scène de théâtre, et leur fils Noé. Leur histoire d’amour s’est enlisée dans une routine empreinte de lassitude. Pour éviter à une certaine Zorica d’être expulsée, Damien se trouve un jour piégé par Iva, qui le somme de demander l’aide de son père, conseiller d’État, avec lequel il entretient une relation plus que distante. Cette mission hasardeuse plonge Damien dans une spirale qui va bouleverser sa vie…

    Pascal Bonitzer, scénariste et réalisateur remarquable, nous avait jusqu'ici donné des films certes réussis mais assez froids et cyniques, comédies bourgeoises acides devant lesquelles il était difficile de s'enthousiasmer tout à fait (on citera ses meilleures : Rien sur Robert, Petites coupures, Je pense à vous…). Mais avec Cherchez Hortense, il balaie toutes nos réticences et nous emballe pour de bon : narrateur hors pair, il nous livre ici un récit qui frise la perfection, vif, acéré, caustique juste ce qu'il faut mais avec de vrais enjeux, incarnés en des personnages ciselés à l'or fin et interprétés par des acteurs en état de grâce.

    L’homme qui est au centre de Cherchez Hortense (dont on ne vous expliquera pas le titre énigmatique) est Damien, un prof de civilisation chinoise qui enseigne, avec un dilettantisme qui frise parfois le désintérêt, sa discipline tant aimée à des businessmen et women plus ou moins contents d'eux-mêmes, uniquement soucieux de connaître tous les ressorts et faiblesses de leurs futurs clients d’au-delà la Grande Muraille. Il est marié à Iva, metteur en scène de théâtre aussi volcanique et charismatique que lui est taciturne et discret. Sa vie est devenue une gentille routine où il joue souvent, en l’absence d’Iva très sollicitée, le père au foyer pour Noé, un gamin tout à fait lucide sur les travers de ses parents. Ça ronronne ferme jusqu’au jour où Iva confie à Damien une mission de la plus haute importance : intercéder auprès de son père, membre influent du Conseil d’Etat, pour qu'il favorise la régularisation d'une certaine Zorica, réfugiée serbe qui est la protégée du frère d'Iva et de son épouse, couple de coiffeurs tapageurs que Damien a toutes les peines du monde à supporter plus de dix minutes…
    Ça peut paraître simple : demander un service à son père dans un but humanitaire. Mais pour Damien, qui a toujours vécu terrorisé dans l’ombre de ce géniteur aussi brillant que distant, aussi courtois que condescendant, c’est une véritable montagne à franchir. Et de fait il n'arrive pas à faire cette démarche et il va s’engluer dans des petits mensonges, des petites lâchetés aux conséquences insoupçonnées, autant pour la jeune femme en attente de papiers que pour la famille de Damien, pour ses amis, et pour la jolie cliente de la librairie où il a ses habitudes, qui va peu à peu bouleverser son cœur et peut-être bien le réveiller. Pour de bon, le faire sortir des gonds de sa vie apparemment privilégiée mais désespérément étriquée.

    Superbement écrit et conduit comme nous l'avons souligné d'entrée, d'une invention et d'une drôlerie permanentes, Cherchez Hortense est porté par un extraordinaire Jean Pierre Bacri, qui trouve ici un de ses meilleures rôles, bien au-delà de la figure du perpétuel bougon auquel on le réduit parfois : désenchanté, fatigué, puis bousculé, chamboulé, rendu à sa pleine humanité. À ses côtés, Claude Rich est fabuleux en haut fonctionnaire cynique et manipulateur, odieux par choix et menteur par volupté : les face-à-face père-fils nous réservent quelques beaux moments drolatiques. Et puis Isabelle Carré et puis Kristin Scott Thomas et puis Jackie Berroyer en copain suicidaire et dostoievskien… Tous impeccables !
    Au-delà du rire et de la satire, Pascal Bonitzer livre une très pertinente et très vivante réflexion sur l’absurdité de l’obsession identitaire et nationale, sur la nécessité d'ouvrir les yeux et de bouger, surtout quand on ne risque rien à le faire !


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